GRAVIMÉTRIE
Applications à la géodésie
L'écart entre la surface du géoïde et celle de l'ellipsoïde de référence, qui peut être de quelques dizaines de mètres, varie très progressivement et reste pratiquement constant sur des distances de quelques dizaines de kilomètres. Par conséquent, il n'est pas nécessaire, pour le déterminer, de tenir compte des irrégularités locales du relief. On n'utilise donc pas l'anomalie de Bouguer, mais l'anomalie à l'air libre, ou plutôt sa valeur moyenne, lissée sur quelques dizaines de kilomètres. Encore faut-il bien voir ce que signifie cette moyenne, qui n'est pas la moyenne des valeurs mesurées aux stations (il peut arriver que la majorité de celles-ci soient au fond des vallées), mais la moyenne de sa valeur en tous points. Comme on ne peut pas en tracer de cartes, il faudrait prendre la moyenne de l'anomalie de Bouguer, à partir de ses cartes, et calculer la valeur moyenne de la correction de Bouguer, ce qui fait intervenir l'altitude moyenne à déduire des cartes topographiques.
Le géoïde que nous cherchons à déterminer étant une surface équipotentielle du champ extérieur de la pesanteur, éventuellement prolongé sous le relief, il est normal d'utiliser pour cette détermination les anomalies à l'air libre, qui caractérisent le champ extérieur. En particulier, ce sont les valeurs de l'anomalie à l'air libre au niveau de la mer qui avaient permis de déterminer l'aplatissement du globe, dans le cadre fourni par les formules de Clairaut, valables pour une masse fluide en rotation (en fait, concurremment avec les valeurs déduites des méthodes géométriques de la géodésie).
La possibilité d'aller plus loin pour déterminer, à partir des valeurs de la gravité, la forme de la Terre ou, plus précisément, la forme de l'une des surfaces équipotentielles de la pesanteur résulte de la formule de Stokes, établie en 1849. On réfère la surface équipotentielle cherchée, ou géoïde, à l'ellipsoïde qui constituerait la surface équipotentielle d'un globe idéal de Clairaut. Si N est la distance verticale entre ces deux surfaces en un point, et Δ g la différence entre les valeurs de la gravité mesurée au niveau de l'équipotentielle et calculée sur l'ellipsoïde, en un autre point, situé à une distance angulaire ψ du premier, on a :
l'intégrale étant étendue à toute la surface du globe. La fonction f (ψ), qui est bien déterminée, n'est nulle part négligeable.Il faut, bien entendu, que les surfaces équipotentielles considérées soient entièrement extérieures à la matière du globe, ce qui n'est pas le cas pour le niveau moyen des mers. Mais on a démontré que la formule restait valable pour l'anomalie à l'air libre, mesurée à la surface.
La formule de Stokes est restée pratiquement inutilisable pendant un siècle : on manquait de mesures de la gravité sur une grande partie de la surface, en particulier pour toutes les zones océaniques.
Des applications à des régions limitées à quelques milliers de kilomètres ont fourni des cartes des irrégularités locales du géoïde avec un très grand détail. Les doutes que laissent subsister les approximations dont il a fallu se contenter pour représenter les valeurs de la pesanteur pour certaines zones lointaines se traduisent par un doute sur le niveau exact par rapport au centre de la Terre. Mais la géodésie spatiale a pris le relais.
F. A. Vening Meinesz a montré que l'on pouvait dériver la formule de Stokes et en déduire, non plus la distance d'une surface équipotentielle à l'ellipsoïde de référence, mais l'angle que font les deux normales. Dans les formules dérivées (une pour la composante est-ouest et l'autre pour la composante nord-sud), les zones loin du centre n'ont presque plus d'influence, mais il faut connaître avec beaucoup de précision la gravité[...]
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Écrit par
- Jean GOGUEL : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France
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