GRAVITATION ET ASTROPHYSIQUE
Théorie newtonienne de la gravitation et cosmologie
Il est remarquable qu'en dépit des nombreux efforts pour obtenir une preuve expérimentale en faveur de modèles théoriques beaucoup plus compliqués, on puisse toujours donner une représentation satisfaisante de ce que nous savons des propriétés de l'Univers à l'aide d'un modèle cosmologique de la plus grande simplicité concevable, à savoir celui d'une explosion isotrope et homogène. Autrement dit, l'Univers peut être représenté par un modèle obéissant au principe cosmologique selon lequel toutes les positions et toutes les directions sont équivalentes dans l'espace, mais dans lequel la densité diminue avec le temps, au fur et à mesure que les particules de matière s'éloignent les unes des autres. Il est tout aussi remarquable que l'existence de tels modèles ait été dédaignée non seulement par Newton et ses disciples, mais même par Einstein, en dépit de leur simplicité et de leur compatibilité avec la théorie newtonienne de la gravitation, aussi bien qu'avec celle de la relativité générale. La raison semble en être la suivante : une fois entérinée par Galilée, la révolution copernicienne, en rejetant la notion d'Univers centré sur notre propre planète, avait ouvert la voie à l'idée d'un Univers homogène dans lequel toutes les positions sont équivalentes sur une échelle suffisamment grande ; or un prolongement naturel de cette découverte conduit à penser que l'Univers devrait également être stationnaire dans le temps, c'est-à-dire que, en accord avec ce que Hermann Bondi et Thomas Gold ont appelé le principe cosmologique parfait (1948), toutes les époques devraient être équivalentes, au même titre que les positions et les directions. La tentation récurrente d'adopter un modèle stationnaire, en dépit de la quantité croissante de preuves défavorables fournies par l'observation, n'est pas due simplement à l'attraction esthétique de la symétrie mathématique. Il semblerait que, pour beaucoup de théoriciens, une raison plus profonde réside dans la fascination exercée par l'idée que le monde (matériel et, par voie de conséquence, biologique) devrait être éternel. L'attachement à cette idée est responsable d'un surprenant record d'aveuglement, apparemment volontaire, dont un exemple a été fourni par Paul Dirac (1961, dans un débat avec Robert H. Dicke) lorsqu'il refusa de tenir compte du principe anthropique dans son argumentation en faveur de théories de la pesanteur dans lesquelles le couplage s'affaiblit avec le temps. L'aspiration à une « éternité temporelle » est également responsable de recherches plus solidement motivées, comme la théorie de l'état stationnaire de H. Bondi, T. Gold et Fred Hoyle (1950, 1951), quelque temps à la mode, bien que pas davantage plausible, et la tentative originale de Freeman J. Dyson (1979) pour redéfinir le temps biologique en termes de théorie de l'information.
Alors qu'il est compréhensible que des physiciens de haut niveau aient accordé peu d'attention au naïf concept biblique d'une création soudaine de l'Univers à un moment bien défini du passé, il est plus surprenant qu'ils ne se soient pas préoccupés plus tôt du fait pourtant évident que, la nuit, le ciel entre les étoiles est sombre. S'appuyant sur les remarques de Jean Philippe Loys de Chéseaux (1744), Heinrich Olbers a été à peu près le seul à s'apercevoir (en 1822) que cette observation était incompatible avec le principe cosmologique parfait (à moins d'enfreindre les lois ordinaires de la conservation, comme dans la théorie de l'état stationnaire). Le paradoxe d'Olbers-de Chéseaux est fondé sur la remarque suivante : bien que l'angle solide occupé dans le ciel par une étoile solitaire diminue avec la distance, dans[...]
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Écrit par
- Brandon CARTER : membre de la Royal Society de Londres, maître de recherche au C.N.R.S., responsable de l'astrophysique relativiste à l'Observatoire de Paris
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Médias