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GRAVITATION

Gravitation et le problème à n corps

On appelle « problème à n corps » la détermination des trajectoires de n objets dont chacun est en interaction gravitationnelle avec tous les autres. Selon cette dénomination, le problème à deux corps a été complètement résolu par Newton lorsqu’il décrit les ellipses suivies par une comète autour du Soleil en l’absence de toute planète. En effet, comme tout étudiant en science est apte à le vérifier, l’équation différentielle que l’on écrit à partir des lois de Newton peut mathématiquement se résoudre lorsqu’on connaît la position et la vitesse initiale de la comète.

Le succès de Le Verrier signe le succès des méthodes de Lagrange et Laplace et paraît de bon augure pour obtenir un résultat approximatif au problème à trois corps, qui hante les physiciens depuis Newton. Le mathématicien finlandais Karl Sundman (1873-1949) démontre au début du xxe siècle que le cas n = 3 possède une solution, mais il ne peut la calculer que par sommation d’une série infinie. Il semble même que, lorsque n est supérieur à 3, aucune méthode mathématique ne permette d’écrire une solution analytique à ce problème. Si l’on utilise maintenant des ordinateurs pour déterminer les trajectoires des comètes, des astéroïdes ou des engins spatiaux en tenant compte des forces de gravité des différents corps qui les influencent au cours de leurs périples dans l’espace, ces calculs demeurent dans le domaine de l’approximation, nombre de physiciens s’étant longtemps consacrés à tenter d’estimer leur incertitude.

Dans les années 1890, Henri Poincaré (1854–1912) emploie sa puissance mathématique à l’examen du problème à trois corps et découvre mathématiquement l’existence d’orbites au voisinage desquelles sévit une grande sensibilité aux conditions initiales, c’est-à-dire qu’une petite erreur dans la description de l’emplacement et des vitesses des trois corps à une certaine date entraîne une importante indétermination de leur emplacement à une date ultérieure. Ces résultats fondent la théorie du « chaos déterministe », dont les multiples conséquences dans de nombreux domaines seront étudiées tout au long du xxe siècle. Poincaré démontre même que la méthode de Laplace pour déterminer la position de Neptune n’était en quelque sorte qu’illusoire : la série mathématique dont Le Verrier calcula les premiers termes n’est pas convergente, mais asymptotique. Si la théorie newtonienne de la gravitation n’est nullement contredite, on comprend donc qu’elle ne permet pas de prédire les trajectoires des planètes à partir d’observations nécessairement entachées d’incertitudes de mesures.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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