GRAVURE
Gravures et styles
Il apparaît que les procédés de gravure peuvent se multiplier à l'infini. Cette richesse a permis à la gravure de s'adapter à tous les styles, et d'être redécouverte par les artistes à chaque époque.
La Renaissance trouva dans la gravure le moyen de poser différemment les problèmes de géométrie de l'espace et de sa représentation rigoureuse. Le Strasbourgeois Schongauer fut l'un des premiers à s'affranchir de l'orfèvrerie pour considérer la gravure en elle-même, mais c'est Dürer qui donna toute sa souplesse à la ligne. Celle-ci semble économisée et personnalisée dans ses compositions qui ne sont plus touffues mais rationnelles et géométriques. Avec peut-être moins de technique mais un sens artistique plus développé, les Italiens ont cherché le rendu net de l'espace par les formes gravées. Si dans la Bataille d'hommes nus, la plus ancienne gravure italienne sur métal qu'on puisse attribuer à un peintre, Antonio Pollaiuolo (1431 env.-1498) ne réussit qu'une merveilleuse composition d'ensemble où les plans se dégagent mal, Mantegna parvint à donner à ses personnages l'aspect sculptural qui caractérise son style. Le classicisme triompha très tôt en gravure et les artistes du Nord, comme Lucas de Leyde (1494-1533) l'adoptèrent rapidement.
Le maniérisme, avec ses goûts décoratifs, chercha des formules plus souples, mêlant l'eau-forte au burin. En 1520, le Parmesan fut le premier à l'utiliser en Italie. Les formules italiennes trouvèrent une ligne ondoyante qui fit fortune aux Pays-Bas, avec Hendrick Goltzius (1558-1617) par exemple. La gravure a largement contribué à répandre, au milieu du xvie siècle, un style maniériste international.
Les artistes baroques demandaient plus de mouvement et de sensibilité. La gravure dut se prêter à leur écriture ouverte et libre. Jacques Callot joua subtilement sur la composition des vernis et les morsures de l'eau-forte. Ses procédés permirent à Claude Lorrain de traiter des impressions d'atmosphère dans des paysages à l'eau-forte, tandis que Van Dyck, dans son Iconographie, inaugurait le portrait moderne où le caractère est rendu par une ligne rapide et résolument libre. Incompris, il dut terminer sa série au burin. Les clairs portraits de Van Dyck s'opposent aux eaux-fortes de Rembrandt qui découvrit les riches possibilités du procédé. Grâce à la liberté acquise par la ligne, alliée à la puissance de contraste du papier blanc et de l'encre noire, ce dernier crée un univers complexe qui semble se dissoudre dans le clair-obscur.
Les écoles se libèrent alors de l'emprise italienne. Les Hollandais découvrirent, par réaction esthétique, l'équilibre de leurs paysages. La gravure anglaise apparut vers 1600. À Bologne, les Carrache travaillaient au burin mais avec un système de lignes plus ouvert. Le classicisme français du xviie siècle se manifesta surtout par une série de portraitistes virtuoses qui demandèrent tout à la belle taille « rangée » et affirmèrent la prééminence de la ligne dans la gravure.
Les artistes modernes attendent des techniques de la gravure d'accroître la distance qu'ils entendent mettre entre le réel et eux, grâce aux nuances tirées des leçons de Rembrandt. Au xviiie siècle, Giambattista Tiepolo réussit à faire passer dans la gravure, par la rapidité de sa ligne et la légèreté de sa taille, la « blondeur » vénitienne, tandis que Piranèse obtenait des effets aussi riches des contrastes violents entre les masses solides et les effets de lumière. Tiepolo, qui avait produit une série de Caprices, mourut à Madrid en 1770. Il y fut connu de Goya qui donna, dans un pays troublé par les guerres, une nouvelle dimension au langage de la gravure. Ses compositions inquiétantes sur fond d'aquatinte utilisent la gravure comme[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Michel MELOT : directeur de la bibliothèque publique d'information, Centre Georges-Pompidou
Classification
Médias
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