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GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) Fonctions de l'image

On a pu décrire la civilisation grecque comme une civilisation de la parole politique, et bien des auteurs, en particulier Platon, insistent sur la primauté du logos, de la parole vivante, opposée à l'écrit, inerte, et à l' image, muette. Mais la Grèce est en même temps à nos yeux, et déjà aux yeux des Romains qui l'ont conquise, la terre des arts, le pays où fleurissent peinture et sculpture, par lesquelles les Grecs ont su traduire plastiquement la beauté du corps humain et lui donner une forme idéale.

Pourtant cette vision, qui nous paraît évidente, ne va pas de soi. Elle mérite qu'on s'y arrête pour examiner de plus près, autant qu'on puisse le faire dans l'état lacunaire et fragmentaire de notre information, ce qu'ont été en Grèce ancienne les images et leurs usages. Le pluriel en effet s'impose dès l'abord. Pas plus ici qu'ailleurs il n'existe une catégorie de l'image qui constituerait matériellement et psychologiquement un universel, une notion toute faite que la culture grecque aurait utilisée au gré de ses besoins. Bien au contraire, les fouilles archéologiques et les textes anciens nous font connaître une série d'objets divers, que le vocabulaire nomme de façons variées, et qui sont liés à des contextes religieux, sociaux ou politiques distincts. On voudrait donc ici esquisser un inventaire de ces formes et de ces usages, sans prétendre élaborer une théorie d'ensemble qui reste encore à faire.

Vocabulaire

Statuette en marbre, Naxos - crédits :  Bridgeman Images

Statuette en marbre, Naxos

Le grec, pour désigner une statue, n'a pas de terme spécifique. On relève plusieurs mots dont les emplois varient suivant les contextes et les époques ; sans les passer tous en revue, on notera les plus fréquents. Eikon n'apparaît qu'à l'époque classique ; le mot n'existe pas chez Homère ; au ve siècle avant J.-C., il désigne une image aussi bien graphique ou plastique que verbale et implique alors par sa parenté avec des mots comme eoikos (semblable) l'idée d'un rapport étroit avec son modèle. Souvent pour parler d'une statue divine on dira agalma : le mot s'applique en fait de manière très large à toute offrande, tout objet consacré au dieu, destiné à le glorifier, à l'honorer (agallein). Andrias, où l'on retrouve aner, l'homme, souligne le caractère anthropomorphe de la statue. Xoanon se dit d'une œuvre qui a été raclée, polie ; ce terme insiste sur le processus technique d'exécution de l'œuvre, mais ne précise rien du matériau ou de la forme de la statue ; à l'époque romaine le mot sera utilisé, par Pausanias notamment, pour désigner les statues les plus archaïques, souvent en bois et d'aspect « étrange ». Le mot hermès , du nom du dieu lui-même, s'applique à un pilier quadrangulaire, pourvu d'un sexe, et dont seule la tête est sculptée. Le kolossos doit être interprété avant tout comme un double, un substitut, quelle que soit sa forme, anthropomorphe ou non ; ce n'est qu'à l'époque hellénistique qu'il a pu désigner plus particulièrement une statue « colossale ». Eidôlon à l'époque classique ne se dit pas d'une statue ; le mot évoque une image immatérielle, inconsistante – fantôme, rêve ou apparition – et ne sera appliqué à la statue « idole » que dans le contexte de la polémique contre les images divines. Quant au terme kouros, qui signifie en grec jeune homme, seul l'usage moderne des archéologues en a fait le terme technique qui désigne les statues archaïques figurant un personnage masculin, jeune, nu  ; jamais ce mot dans les textes antiques ne s'applique à une sculpture.

Cette multiplicité de termes montre que les Grecs ont retenu dans leur vocabulaire la variété des caractères formels ou techniques de la statuaire ; chaque terme privilégie un aspect différent, définissant[...]

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Statuette en marbre, Naxos - crédits :  Bridgeman Images

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