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GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) L'homme grec

La civilisation occidentale est fondée sur un petit nombre de principes qui donnent à la vie humaine son sens et sa valeur. Ces principes ont été formulés en Occident, pour la première fois et de façon définitive, par des Grecs. C'est ce qu'il importe de rappeler : après un demi-siècle de terribles vicissitudes, et alors que l'homme occidental est attaqué de toutes parts, il n'est peut-être pas mauvais de se remettre en mémoire quelle est la véritable noblesse de l'homme.

Le premier principe est celui de la dignité de l'homme comme tel, une fois reconnu ce qu'est l'être humain dans son essence même. De ce principe résultent les deux autres. L'homme ayant été reconnu dans ce qui le constitue essentiellement, il se doit de se respecter lui-même, de ne pas s'abaisser à ses propres yeux. On aboutit ainsi, d'une part, au paradoxe du Gorgias, qu'il vaut mieux subir l'injustice que de la commettre – c'est le deuxième principe –, d'autre part, qu'il vaut mieux subir la mort que de trahir la vérité ou de trahir ce qui s'impose à l'être humain comme une loi morale éternelle. Ce troisième principe est en quelque sorte comme une conséquence du précédent, il est le deuxième principe poussé à sa dernière limite.

L'homme essentiel

Appétits naturels et système des valeurs

Il faut se garder d'imaginer une Grèce idéale, une Grèce où tous n'eussent été que des sages et des philosophes discutant paisiblement dans un jardin. En fait, les Grecs étaient des hommes, et qui étaient mus par tous les appétits qui meuvent les hommes. L'appétit de gloire et d'honneur : Achille, les jeunes athlètes féodaux de Pindare, Alcibiade qui aimerait mieux mourir que de ne pas égaler Xerxès ou Cyrus (Alcib. 105 A 4 ss.), tant d'autres. L'appétit de conquête, la volonté de puissance, avec tous les mensonges et les cruautés qu'ils inspirent. Il suffit de lire, dans Thucydide, une page d'une saveur extraordinaire. Durant ses campagnes en Chalcidique en 424, le Lacédémonien Brasidas veut se rendre maître de la ville d'Acanthos, colonie d'Andros fondée sur l'isthme du mont Athos. Il persuade la ville de le recevoir seul, on l'admet à l'Assemblée du peuple, et voici le discours qu'il tient (Thuc. IV, 86-88) : « Quant à moi, je ne suis pas venu pour le malheur des Hellènes, mais pour les délivrer, et j'ai lié les magistrats de Lacédémone par les serments les plus solennels. Tous ceux dont j'aurai su me procurer l'alliance resteront autonomes, on le jure ; nous ne voulons pas avoir en vous des alliés acquis par violence ou tromperie, mais bien au contraire voler à votre secours, vous qui subissez l'esclavage d'Athènes... Maintenant si, quand je vous fais ces propositions, vous vous dites incapables de les accepter... je prendrai à témoin les dieux et les héros de ce pays que, quand je venais pour votre bien, je n'ai pu vous persuader. Et alors, je dévasterai votre terre, je vous imposerai par force mon alliance, et, ce faisant, je ne penserai pas commettre d'injustice à votre égard. » Ainsi parla Brasidas. On vota en secret. Comme la récolte n'était pas rentrée, la majorité résolut de se détacher d'Athènes.

Ne parlons pas des autres appétits naturels – l'appétit de plaisir, l'appétit de lucre – sauf pour noter qu'en fait celui-ci n'est pas la caractéristique la plus singulière du Grec. Dans le petit portrait du jeune Alcibiade qui ouvre le dialogue de ce nom, Socrate mentionne d'abord la beauté et la taille, puis l'illustration de la famille, ce qui assure au jeune homme de puissantes relations, et il ajoute tout à la fin seulement : « J'ajouterai que tu es au nombre des riches, mais c'est de quoi tu parais le moins fier. » Dans le fameux scolion[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'Institut, ancien directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

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