GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) La religion grecque
Les caractères dominants de la religion grecque apparaissent d'emblée : il s'agit d'un polythéisme qui s'est enrichi par l'adjonction progressive de nouvelles divinités ; les dieux sont conçus sous forme anthropomorphisée, encore que les traces de vieux cultes animistes de la pierre, de la plante, de l'animal soient visibles dans certaines personnes divines ; ils sont dotés de mythes d'une exceptionnelle richesse, qui, à partir d'une certaine date (débuts du Ier millénaire ?), forment un ensemble construit ou mythologie.
Cette religion a exercé une influence considérable dans le monde grec, dans la mesure où elle a favorisé l'éveil et l'essor de toutes les formes supérieures de la civilisation, notamment de l'art et de la littérature. Ses séductions se sont ensuite imposées à Rome – et l'on sait aujourd'hui que l'apport de l'hellénisme dans ce domaine y fut précoce –, si bien qu'elle a longuement survécu à l'indépendance politique des Grecs et n'a disparu qu'à la fin de l'Antiquité. Enfin elle a joué, à partir de la Renaissance, un rôle déterminant, au moins par l'intermédiaire de sa mythologie, dans la formation de la conscience occidentale.
Une religion dont les témoignages s'étalent sur plus de deux ou trois millénaires a nécessairement subi des évolutions importantes. Il s'impose de l'étudier chronologiquement pour suivre les étapes de sa genèse et de son développement.
La protohistoire religieuse
La religion grecque plonge ses racines dans le passé le plus lointain des hommes qui habitaient la Grèce bien avant l'installation des Grecs vers 1950 avant J.-C.
La période néolithique et le Bronze ancien
La période néolithique (4500-2600) est d'une importance capitale pour la fixation de cette tradition. L'introduction des techniques de l'agriculture céréalière et de l'élevage en provenance d'Anatolie bouleverse en effet profondément les rapports de l'homme avec la nature. Les nouvelles conditions économiques ont des incidences dans le domaine religieux. L'activité du paysan est faite d'une longue patience ; à la limite, elle peut même paraître absurde, puisque enfouir du grain en espérant qu'il lèvera, c'est d'abord se priver de nourriture immédiate. Une sorte de crainte superstitieuse (en grec thambos, stupeur, mot dont l'étymologie est discutée) devant les grands phénomènes de la nature, dont dépend la nourriture, et donc la survie, n'a pu manquer d'accompagner la révolution économique. Les âmes sont orientées vers l'adoration des puissances surnaturelles qui assurent la fécondité et la fertilité.
Les vestiges religieux les plus nets de la période néolithique – retrouvés dans des tombes et dans ce qui devait déjà être des sanctuaires – sont des idoles, très généralement féminines, qui représentent des déesses au corps puissant, ramenant souvent les bras sur leur poitrine. Ces « Vénus néolithiques », prenant la succession des « Vénus stéatopyges » (aux fesses grasses) de l'époque paléolithique, incarnent les énergies vitales de l'univers ; elles donnent à leurs fidèles la fertilité pour leurs champs, la fécondité pour eux-mêmes et pour leurs troupeaux ; leur protection s'étendant même au-delà du tombeau, elles doivent leur assurer la survie. Les Modernes les appellent Grandes Mères ou Grandes Déesses ou encore Terres-Mères, et il est sûr qu'aux yeux de leurs fidèles elles concentrent en elles les forces infiniment puissantes de la Terre.
Les techniques néolithiques sont arrivées dans les grandes îles de Chypre et de Crète et en Grèce portées par des migrateurs qui venaient d'Anatolie et qui sont aussi responsables de la néolithisation des Balkans, d'où les homologies constatées dans[...]
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Écrit par
- André-Jean FESTUGIÈRE : ancien membre de l'Institut, ancien directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Pierre LÉVÊQUE : professeur émérite de l'université de Franche-Comté
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