GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) La religion grecque
La première moitié du Ier millénaire
Malgré les migrations doriennes, on note la survivance profonde de la religion mycénienne non seulement dans des régions épargnées par les migrations (Attique, Arcadie, Chypre) ou peuplées par des non-Doriens (Ionie), mais encore dans des zones profondément dorisées (Crète, ou même Sparte, où l'on honore une Dame créto-mycénienne, maîtresse de fécondité et de fertilité, Artémis Orthia). Grâce à ses séductions et à son adaptation aux besoins des communautés agro-pastorales, cette religion se maintient dans ce qu'elle avait d'essentiel, le culte de grandes divinités féminines, les épreuves des enfants divins, les mystères qui assurent le salut éternel.
Enrichissement du panthéon
Cependant deux facteurs nouveaux interviennent et exercent des actions contradictoires.
D'une part, les Doriens (un nouveau ban de Grecs, donc d'Indo-Européens) accusent le caractère indo-européen de la religion, assurant derechef aux dieux une certaine prépondérance sur les déesses, ce qui donne au panthéon son équilibre définitif : Zeus passe au tout premier plan, tandis qu'un dieu plus chthonien comme Poséidon marque une nette régression (plusieurs régions du monde grec font même de lui un dieu déchu).
D'autre part, les influences asiatiques sont considérables, en raison des grandes migrations qui peuplent de Grecs Chypre et la bordure côtière de l'Anatolie, ce qui renforce les contacts entre les deux rives de l'Égée. Ces apports peuvent paraître jouer dans le même sens que les précédents (un dieu mâle, Apollon, se substitue aux déesses dans de nombreux sanctuaires) ; en fait ils véhiculent une religion anatolienne ou sémitique très proche de celle du IIe millénaire.
D'Orient proviennent deux nouveaux dieux, qui ne sont pas mentionnés dans les tablettes mycéniennes mais jouent déjà un rôle important dans l'œuvre d'Homère, ce qui permet de placer leur introduction vers 1000 au plus tard. Apollon est un Lycien que l'on voit s'installer dans de grands sanctuaires, au détriment de déesses créto-mycéniennes, ramenées au second plan, mais non éliminées : dès 1000, il s'implante sans violence à Délos, au cœur de l'archipel, conservant auprès de lui Artémis, qui l'y avait précédé et dont on fait vite sa sœur, et leur mère Léto ; c'est un peu plus tard, vers 800 sans doute, qu'il prend possession de Delphes après un combat contre la femme-dragon Python qui gardait les lieux pour la Terre-Mère, comme le raconte le bel « hymne homérique » à Apollon. Ces deux sanctuaires resteront les centres principaux de son culte.
Aphrodite n'est autre que la transposition de la Phénicienne Astarté, une déesse sémitique de l'amour, des énergies vitales, fertilisantes et fécondantes, et de la mer. Les Grecs la connaissent à Chypre, véritable creuset des diverses civilisations de la Méditerranée orientale, où ils placeront son lieu de naissance. Le premier temple dressé en Grèce en l'honneur d'Aphrodite l'est dans l'île de Cythère, d'où elle rayonne rapidement sur le continent. Bien que l'origine du mot Aphrodite soit discutée, il est probable que c'est une déformation d'Astarté et qu'ainsi la déesse a conservé son nom asiatique, comme c'est aussi le cas d'Apollon.
Un peu plus tard, les Grecs annexent deux Grandes Mères asiatiques, Hécate, une Carienne, et Cybèle, la Mère des dieux, une Phrygienne qui est sans doute très tôt identifiée avec la Crétoise Rhéa, mère de Zeus.
Il y a donc un incontestable enrichissement du panthéon. D'autres évolutions se constatent : certaines divinités féminines de l'époque créto-mycénienne sont réduites à l'état de déesses secondaires, telle Ilithyie, une déesse-fille (fille d'Héra) qui est désormais étroitement spécialisée dans[...]
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Écrit par
- André-Jean FESTUGIÈRE : ancien membre de l'Institut, ancien directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Pierre LÉVÊQUE : professeur émérite de l'université de Franche-Comté
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