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GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) Langue et littérature

La littérature

Poésie archaïque

Au commencement, il y eut Homère : tel fut, en général, l'avis des Anciens sur la genèse de leur littérature, tel était aussi jusqu'à une époque récente celui des Modernes ; née de rien, la littérature grecque donnait le jour à un chef-d'œuvre. Aujourd'hui, grâce à une série de recoupements, on s'accorde à dire qu'Homère, loin d'être le premier, est, sinon le dernier, du moins le plus illustre représentant d'une lignée d'aèdes itinérants, tel celui qu'il met lui-même en scène au livre VIII de L'Odyssée, Démodocos, qui, à la cour des Phéaciens, chante la querelle d'Achille et d'Ulysse et les amours d'Arès et d'Aphrodite. De plus, la récurrence dans l'œuvre homérique de formules stéréotypées, composées en une langue différente, la matière même des récits et les éléments de civilisation de loin antérieurs à l'époque de la rédaction des poèmes, tout cela prouve que l'auteur disposait d'un stock de sujets et d'expressions légué par une longue tradition orale. Enfin, le déchiffrement de tablettes « mycéniennes » a révélé la langue et le moment de civilisation où avaient pris naissance les récits qui allaient aboutir à L'Iliadeet à L'Odyssée. Ainsi, la littérature grecque prend sa source non plus au viiie siècle où vécut Homère, mais dès le milieu du IIe millénaire avant notre ère. Il n'y a pas de génération spontanée, mais, sans pour autant dénier un rôle important à Homère lui-même, un développement long et enrichissant au cours des siècles.

Comme Démodocos, Homère chante dans L'Iliade une querelle d'Achille, celle qui l'oppose à Agamemnon, roi de Mycènes, lors du siège de Troie entrepris par une coalition de princes grecs. Achille, indigné d'une injustice commise à son égard, se retire sous sa tente ; il ne reviendra au combat que pour venger la mort de son ami Patrocle et tuer Hector. À partir de ce mince épisode se déploie une vaste fresque où alternent les mêlées héroïques, auxquelles les dieux eux-mêmes ne dédaignent pas de participer, et des scènes familières, aussi bien dans l'Olympe que dans les deux camps.

Au thème de la guerre se rattache le thème des « retours » ; celui d'Ulysse, on le sait, est le sujet de L'Odyssée. Plutôt que des combats, il vit des aventures plus merveilleuses qu' épiques, où la magie, le fantastique, le bouffon même tiennent une place importante. Ces éléments ne vont pas sans impliquer un changement de ton dans la narration : ce n'est plus la geste où le héros met son idéal à se couvrir de gloire, dût une mort hâtive le frapper – tel Achille préférant une vie brève et glorieuse à une vieillesse obscure –, mais une suite de péripéties d'où le héros se tire toujours à son avantage grâce à son astuce et avec l'aide de la divinité.

Au total, ces deux œuvres, si elles n'échappent pas toujours à la monotonie et aux répétitions, présentent des personnages extrêmement vivants et nuancés dont les réactions tantôt frustes, tantôt raffinées, nous paraissent souvent profondément humaines. Quoi qu'il en soit, l'œuvre d'Homère est devenue pour tous les Grecs le texte de base, la bible à laquelle ils se réfèrent sans cesse ; et, au bout de tant de siècles, quel potache, quel lecteur peut rester insensible à la violente altercation d'Achille et d'Agamemnon, aux adieux simples et émouvants d'Hector et d'Andromaque, aux retrouvailles d'Ulysse et de son vieux père, au spectacle d'Achille et de Priam pleurant de concert sur le cadavre d'Hector ? Plus que dans les contes de fées de L'Odyssée, c'est dans L'Iliade surtout qu'apparaît pour la première fois le sens tragique de la[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Louvain
  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, membre de l'Institut, professeur au Collège de France

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Eschyle - Athènes - crédits : Araldo de Luca/ Corbis/ Getty Images

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