GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) Les arts de la Grèce
La fin de l'archaïsme
Ces transformations politiques et sociales surviennent au moment où les artistes ont triomphé de la plupart des difficultés techniques et, pendant une trentaine d'années, leurs œuvres gardent tout juste ce frais parfum de jeunesse qui fait dans tous les pays le charme des créations antérieures au classicisme. La pensée se fait plus sérieuse, plus profonde.
On le voit bien si l'on examine les œuvres monumentales, les temples qui se construisent alors et les ensembles dont on les décore. Déjà celui d'Apollon à Delphes, construit vers les années 520, offre à son fronton non plus un épisode mythologique quelconque, mais l'apparition en gloire, l'épiphanie de la divinité. De même, dans les centres de Sicile où déjà depuis une ou deux générations l'architecture avait produit des édifices de grande qualité, le décor des métopes, à Sélinonte en particulier, témoigne d'une évolution vers la majestueuse gravité. Mais ce n'est pas seulement dans les grands édifices que se révèle cette tendance : à Delphes, les sculpteurs chargés de décorer, peu après 490, le petit Trésor consacré par les Athéniens, s'appliquent à déceler la structure du corps humain ; les peintres de vases agissent de même et l'on s'est demandé, tant sont fouillés les détails de l'anatomie, si ce n'était pas sur l'écorché que ces artistes avaient acquis leur science. Dans aucun domaine, on ne se limite plus au superficiel.
Aussi n'est-il pas étonnant que changent l'attitude et l'expression des figures : celles-ci s'animent et s'assouplissent, les mouvements se coordonnent davantage, et sur les visages une expression un peu sévère, un peu triste se substitue au sourire de commande des temps passés : ainsi la célèbre Boudeuse et son frère l'Éphèbe blond. Le dernier monument sur lequel apparaît ce sourire, c'est le temple d'Égine, dont les deux frontons séparés par plusieurs années d'intervalle représentent l'un et l'autre des combats de Grecs contre les Troyens. Au centre, Athéna debout, en armes, très figée encore sur le fronton le plus ancien, participe davantage à l'action sur l'autre. Dans les deux ailes, groupés par deux ou par trois, des guerriers s'affrontent, s'inclinant selon la ligne du tympan qui limite en haut la scène ; au bout, dans chaque angle, se trouve un gisant. Ces deux frontons ne présentent d'autre unité que la communauté d'un combat, chacun des participants étant traité pour lui-même. Mais, débarrassées des indiscrètes restaurations du xixe siècle, ces figures apparaissent singulièrement solides, bien construites, animées d'une sorte de feu intérieur.
Ce feu, cette animation sont plus intenses dans les peintures de vases, toutes d'origine attique, dont on possède un grand nombre. Nulle période ne fut si riche en décorateurs : Douris est un des seuls connu par son nom, mais ses émules anonymes – le peintre de Brygos, le peintre de Berlin, le peintre de Kléophrades (Épictétos) – ont comme lui, sur des coupes ou sur des vases d'autres formes, traité les sujets les plus variés : Éos portant le cadavre de son fils, la prise de Troie, des exercices athlétiques, des banquets. Tous sont des dessinateurs émérites, tous ont une science extraordinaire de la mise en page et de la composition. Ont-ils observé directement la nature, ont-ils reproduit des tableaux ? Il paraît bien difficile de le dire : des peintures exhumées en 1968-1969 à Paestum présentent des analogies très frappantes, notamment dans le rendu de l'anatomie, avec les œuvres ci-dessus mentionnées ; mais notre connaissance du grand art est trop lacunaire pour que l'on puisse sans témérité dire dans quelle mesure les décorateurs de vases se sont inspirés de lui ; tout au plus peut-on présumer[...]
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Écrit par
- Pierre DEVAMBEZ : conservateur en chef au musée du Louvre
- Agnès ROUVERET : professeur à l'université de Paris X-Nanterre
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