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GRECO (exposition)

Les galeries nationales du Grand Palais ont accueilli, du 16 octobre 2019 au 10 février 2020, la première rétrospective jamais consacrée en France à Domenikos Théotokopoulos, dit Greco, né en Crète en 1541, mort à Tolède en 1614. Le commissariat de cette belle exposition, présentée ensuite à Chicago, était assuré par Guillaume Kientz, directeur de l’art européen au Kimbell Art Museum de Fort Worth, et Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice de la peinture espagnole au musée du Louvre. La scénographie dépouillée conçue par Véronique Dollfus exaltait sur un fond blanc immaculé la splendeur chromatique de quelque soixante-quinze œuvres majeures du maître de Tolède.

Greco fut d’abord un peintre d’icônes dans la tradition byzantine (Saint Luc peignant la Vierge, 1560-1566, musée Benaki, Athènes), avant que l’Italie puis l’Espagne ne fassent de lui une grande figure atypique de la Renaissance, dont il est incontestablement l’un des génies. Redécouvert au tournant du xixe siècle, vénéré par les avant-gardes, il relie l’art de Venise aux fauves et le maniérisme à l’art moderne, du cubisme au rayonnisme, de l’expressionnisme à l’abstraction.

Le dernier maniériste

Assez tôt, en Crète, le peintre commence à prendre des libertés avec les codes de l’icône au contact d’estampes et des tableaux vénitiens importés dans cette colonie de la Sérénissime. Mais c’est à Venise que, sous l’influence de Titien dont il fréquenta peut-être l’atelier, du style puissamment dynamique de Tintoret, des perspectives de Paris Bordone et du réalisme de Jacopo Bassano, que sa conversion aux formes maniéristes et aux prestiges de la couleur et de la matière s’opère (Triptyque de Modène, 1567-1569, Galleria Estense, Modène). L’exposition souligne également comment le jeune artiste qui, faute de grandes commandes, peignit alors essentiellement des tableaux de dévotion et sut tirer parti des petits formats.

C’est de Venise aussi que Greco tire les bases de ce qui va représenter un élément essentiel de sa renommée, l’art du portrait : il met au point un réalisme psychologique servi par une liberté de touche toujours plus affirmée. Ce talent a certainement contribué à lui faciliter l’entrée dans les cercles humanistes de Rome (Portrait d’un sculpteur [Pompeo Leoni ?], vers 1577-1580, collection particulière), à l’époque où, sur la recommandation du miniaturiste Giulio Clovio, il est hébergé par le cardinal Farnèse et découvre Michel-Ange. La puissance plastique, cette terribilitàqui caractérise l’œuvre du maître toscan, va marquer fortement son propre langage. Qu’il y ait réagi par des propos arrogants expliquerait qu’il ait dû quitter assez vite le palais Farnèse…

Mais c’est en Espagne que l’art du dernier grand maître maniériste – Guillaume Kientz souligne avec raison que Greco meurt en 1614, quatre ans après Caravage – va pleinement s’affirmer et s’épanouir, d’abord grâce aux commandes de Philippe II (L’Adoration du nom de Jésus, ou Le Songe de Philippe II, 1575-1580, Real Monasterio de San Lorenzo de El Escorial) dont les flamboiements comblent les attentes du roi, grand admirateur de Titien, tandis que Le Martyre de saint Maurice, œuvre jugée choquante pour la piété, mettra fin à cet épisode royal. En revanche, les œuvres peintes pour l’église du couvent de Santo Domingo el Antiguo (L’Assomption de la Vierge, 1577-1579, The Art Institute, Chicago) et pour la cathédrale de Tolède (El Expolio ou Le Partage de la tunique du Christ, 1580-1585, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich) vont décider de l’installation de Greco et de sa famille dans la ville, contribuant au rayonnement artistique de celle-ci au-delà des frontières de l’Espagne.

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<em>Le Christ chassant les marchands du temple</em>, Greco - crédits : Bridgeman Images

Le Christ chassant les marchands du temple, Greco