GRÉGOIRE DE NYSSE saint (330 env.-env. 395)
Le théologien
Grégoire de Nysse est, avec son frère Basile de Césarée et leur ami commun Grégoire de Nazianze, l'un des trois grands théologiens cappadociens, qui sont à l'origine de la tradition théologique et mystique de l'Église d'Orient. Il se distingue par l'originalité et la hardiesse avec lesquelles il a su fondre en une synthèse nouvelle les traditions exégétiques héritées d'Origène, la dogmatique orthodoxe issue du concile de Nicée et les spéculations néoplatoniciennes.
La théologie de Grégoire s'est développée en grande partie à l'occasion de la polémique avec Eunome. Ce dernier pensait que les mots sont révélés par Dieu aux hommes pour leur faire connaître l'essence des choses. Comme le mot « inengendré » était pour lui le vocable révélateur de l'essence divine, il s'ensuivait que le « Fils de Dieu », qui est « engendré », ne pouvait être de même essence que Dieu le Père. Grégoire s'applique à détruire cette identification de la notion d'« inengendré » avec la définition de l'essence divine. Pour lui, l'essence divine est absolument inconnaissable, parce qu'elle est infinie, c'est-à-dire parce qu'elle ne peut être enfermée dans les limites d'un concept ou d'une définition. Son absolue simplicité, son immutabilité impliquent qu'elle n'est pas limitée par une essence que l'on pourrait lui opposer. Elle est donc indéfinissable par la traditionnelle méthode de division. De cette réalité infinie et inconnaissable, l'Écriture sainte a révélé qu'elle était en relation avec elle-même comme Père, Fils et Esprit-Saint, mais ces noms ne désignent que des relations, et non des définitions de l'essence divine.
L'homme ayant été créé à l'image de Dieu, son esprit est, de même, indéfinissable et insaisissable. La ressemblance divine se manifeste tout spécialement dans ce pouvoir de mouvement qu'est la liberté. La nature humaine se porte vers le bien, c'est-à-dire vers Dieu par un mouvement sans fin qui répond à l'infinité de l'objet qui l'attire. Le mouvement vers le bien ne cesse d'emporter l'homme plus avant, car jamais l'homme n'atteindra la limite de ce qu'il cherche. Au contraire, le mouvement vers le mal est nécessairement limité, parce que seul le bien est infini. Arrivé à son terme, le mouvement vers le mal se retourne dans la direction du bien, parce que l' âme humaine a en quelque sorte toujours du mouvement pour aller plus loin. Il y a donc nécessairement un retour de toutes choses vers le bien et une restauration finale de la pureté de l'état originel.
L'homme à l'image de Dieu, ce n'est pas l'individu humain, mais la totalité de l'espèce humaine, universel concret qui est un seul homme en un nombre déterminé d'individualités, ou hypostases. En effet, selon Grégoire, il y a une analogie entre cette manière de considérer l'« homme » et le fait que l'on ne peut parler proprement de « Dieu » qu'à propos de l'essence divine. Le Père, le Fils et l'Esprit-Saint ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois hypostases. De même, on ne peut dire que Pierre, Paul et Jacques soient trois hommes, mais qu'ils sont trois hypostases de l'« homme », c'est-à-dire de la nature humaine. Cette image de Dieu qu'est l'« homme unique », fractionnée et brisée par le péché, le Christ la restaure par l'Incarnation en unifiant en lui-même l'humanité. Il se fait image visible du Dieu invisible en reconstituant l'homme unique, dans la résurrection.
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Écrit par
- Pierre HADOT : professeur au Collège de France
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