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GRÉGOIRE DE NYSSE saint (330 env.-env. 395)

Le mystique

Pour Grégoire, comme pour Origène, le progrès dans la vie spirituelle correspond aux étapes successives que constituent les trois parties de la philosophie : l'éthique, qui ébauche la purification de l'âme ; la physique, qui lui apprend à dépasser le monde sensible ; la métaphysique, qui la fait pénétrer dans le monde intelligible et prendre contact avec le divin. Trois livres de la Bible correspondent à ces trois étapes : les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique des cantiques. Grégoire com-menta les deux derniers ; et, dans son exégèse du Cantique qui prolonge celle d'Origène, le poème d'amour devient la description d'une ascension vers la Beauté qui rejoint l'itinéraire décrit par la Diotima du Banquet de Platon. Comme Diotima, l'Épouse du Cantique est l'initiatrice aux mystères de l'amour et peut-être prend-elle aussi certains traits de Macrine, la sœur aînée de Grégoire.

La vie spirituelle, pour Grégoire, comme la philosophie pour Plotin, culmine dans la vision extatique de Dieu. Certains interprètes modernes, notamment E. Mühlenberg, se sont demandé toutefois si les descriptions dans lesquelles Grégoire parle d' extase, d'ivresse mystique, de blessure d'amour, correspondent réellement à une expérience mystique comparable à celles de mystiques du Moyen Âge et des temps modernes. Si Grégoire conçoit Dieu comme infini, comment pourrait-il admettre la possibilité d'une union ou d'un contact entre la finitude de l'homme et l'infinitude de Dieu ? Toute union avec Dieu, toute déification de l'homme sont rendues impossibles. Le vocabulaire mystique que l'on trouve dans le commentaire sur le Cantique ne serait qu'une manière imagée de traduire un enseignement d'ordre purement théologique et abstrait : Dieu est infini et absolument inaccessible à l'homme. Cette interprétation de E. Mühlenberg ne peut être retenue. Elle méconnaît l'importance primordiale que Grégoire de Nysse donne à la notion de progrès spirituel. Le progrès spirituel correspond à une transformation réelle de l'âme humaine, et cette transformation consiste en une participation de plus en plus intense à la vie divine : l'âme grandit toujours dans sa participation au transcendant et ne cesse jamais de croître ; dans sa croissance, elle découvre sans cesse des aspects nouveaux de la beauté divine, elle les saisit dans un contact mystique, mais chaque nouvelle vision ne fait qu'augmenter son désir, jusqu'au moment où l'âme découvre que l'union à Dieu consiste précisément dans ce progrès sans fin : « La vue de sa face, c'est la marche vers lui sans repos. » Il y a, aux yeux de Grégoire, une participation réelle du fini à l'infini, si paradoxale soit-elle ; il y a une transformation réelle de l'âme humaine qui devient de plus en plus l'image de Dieu. La médiation apportée par le Christ est évidemment essentielle à cette doctrine mystique. C'est le Christ qui réalise en lui et rend possible pour les autres l'incompréhensible union du fini et de l'infini.

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