KAYIBANDA GRÉGOIRE (1924-1976)
Le premier président de la République du Rwanda, Grégoire Kayibanda, a accédé à ce poste en octobre 1961. La République elle-même était pratiquement née le 28 janvier 1961, lorsque le mwami Kigeri V, dernier seigneur d'un royaume qui paraissait être, peu de temps auparavant, un des plus solides d'Afrique, fut déclaré déchu de son trône. Grégoire Kayibanda s'installa à Kigali, dans un palais présidentiel hérité de l'administration coloniale belge et dont le mauvais goût architectural rivalisait avec l'exiguïté des pièces. Le nouveau président devait rester au pouvoir un peu plus de douze ans. Le 5 juillet 1973, un obscur militaire, Juvénal Habyarimana, et d'autres officiers ou sergents, constituèrent un Conseil révolutionnaire, déclarèrent vouloir « libérer » la patrie, puis se distribuèrent les prébendes. Kayibanda fut condamné à mort. Une année plus tard, le chef du putsch dut le gracier sous la pression de l'opinion hutu.
La personnalité de Kayibanda, dirigeant et inspirateur du mouvement social d'émancipation, n'est pas intelligible en dehors de ses liens d'amitié et de collaboration avec un missionnaire catholique, devenu évêque, Perrodin. Originaire du Valais suisse, Perrodin se voua à la promotion et aux combats des Rwandais les plus défavorisés – hommes et femmes exploités, soumis à la corvée, souffrant souvent de la faim –, le plus souvent des Hutu, dominés par les Tutsi, grâce à un système économique de type féodal.
Leur mouvement d'émancipation prit son vrai départ en 1953, lorsque l'évêque Perrodin et l'ex-séminariste Kayibanda fondèrent le premier journal, et le seul qui ait jamais existé en langue kinyarwanda. En 1956, le militant chrétien, passionné de théologie et de philosophie thomiste, fait un pas de plus. Toujours inspiré, financé, guidé par l'évêque, il fonde un parti politique, le Mouvement social hutu, qui se donne pour objectifs d'organiser les Hutu, de préparer leur libération économique et politique, c'est-à-dire de renverser le régime autocratique des Tutsi. Le mouvement fait des progrès rapides, tandis que la sclérose du régime tutsi exclut toute réaction autre que répressive.
L'administration coloniale belge ayant maintenu au Rwanda quelques fonctionnaires habiles, Kayibanda et les siens trouvent sur place de nombreuses complicités. En 1959, leur parti acquiert des structures plus sûres, amplifie son recrutement, se dote d'un programme clair, où subsistent néanmoins bien des références métaphysiques. Deux ans de convulsions, d'insurrections localisées, de sang, et, le 28 janvier 1961, Kigeri V doit s'exiler ; il prend le chemin de l'est et va se réfugier en Ouganda.
Il reste que Grégoire Kayibanda n'a pas été un grand dirigeant du combat pour la libération africaine continentale. À aucun moment, il n'a vraiment voulu affranchir son peuple de la terrible exploitation commerciale et financière à laquelle celui-ci était soumis de la part des marchands yéménites, ismaélites, libanais, européens. Il n'a pas non plus tenté de briser les circuits monopolistiques du café, principal produit d'exportation du pays. Kayibanda pensait à la misère ; il en souffrait. Mais il ne disposait ni de la formation politique ni des instruments d'analyse nécessaires pour comprendre et combattre les structures régionales et internationales du marché capitaliste.
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Écrit par
- Jean ZIEGLER : professeur de sociologie à l'université de Genève
Classification
Autres références
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HABYARIMANA JUVÉNAL (1937-1994)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Général et homme d'État rwandais, né en 1937 à Gasizi, dans la province du Gisenyi (Ruanda-Urundi, act. Rwanda), mort le 6 avril 1994 près de Kigali.
Juvénal Habyarimana étudie au Congo belge (act. République démocratique du Congo), d'abord les sciences humaines et les mathématiques au collège...
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RWANDA
- Écrit par François BART , Jean-Pierre CHRÉTIEN , Encyclopædia Universalis et Marcel KABANDA
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...». Dans son mandement de carême de février 1959, Mgr Perraudin appuie les idées de ce mouvement socio-racial, dont le leader est l'instituteur Grégoire Kayibanda, devenu en 1954 rédacteur en chef du journal catholique Kinyamateka. Le mécontentement populaire se tourne donc, sous l'impulsion de... -
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