GRÉGOIRE HENRI dit L'ABBÉ (1750-1831)
Né à Vého, près de Lunéville, fils unique d'un tailleur d'habits. Des études chez les Jésuites de Nancy, de 1763 à 1768, mènent Henri Grégoire au séminaire de Metz, où enseigne le lazariste Lamourette, futur évêque et député de Rhône-et-Loire. Ordonné prêtre en 1775, il obtient, en 1782, la cure d'Embermesnil. Une ample correspondance avec l'Europe savante, des voyages en Suisse et en Allemagne, la fréquentation des conférences interconfessionnelles de Senones, sous la direction de l'hébraïsant dom Calmet, l'insèrent dans le mouvement de l'Aufklärung chrétienne. Il en tire la conviction d'une nécessaire dignité humaine des opprimés : les Juifs (Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs, couronné par l'académie de Metz, en 1788) et les Noirs. Pour eux, il se bat inlassablement, à la Constituante, où il a œuvré à la réunion des trois ordres en tant que député du clergé de Nancy, et au Conseil des Cinq-Cents. On conçoit, dès lors, qu'il s'intéresse plus à la discussion de la Déclaration des droits de l'homme — qu'il voudrait compenser par celle des devoirs — qu'à celle de la Constitution civile du clergé. Il n'en quitte pas moins la présidence de l'Assemblée pour répondre aux vœux des électeurs de Loir-et-Cher : Gobel sacre l'évêque Grégoire, décidé à la rénovation pastorale de son diocèse qu'il visite en dix-huit jours, en prêchant dans cinquante-deux paroisses. Même lorsque ses diocésains le renvoient à l'Assemblée comme député, celui qui persistera à signer « ancien évêque de Blois » reste fidèle à son ministère épiscopal, qu'il n'abandonnera qu'en 1802.
À la Convention, son esprit militant et encyclopédiste déploie une prodigieuse activité en faveur des institutions et d'une culture républicaine : rien ne lui échappe, son intérêt allant de l'agriculture à la fondation d'un Conservatoire des arts et métiers et du Bureau des longitudes. Il brave les terroristes en luttant contre le « vandalisme » (ans II et III), dont il invente le terme. Il unit le droit des gens (déclaration du 18 juin 1793) à l'indispensable liberté religieuse (grand discours des 3-4 nivôse an III). Avec des évêques, anciens conventionnels, il rassemble, en 1795, les morceaux de l'Église constitutionnelle sous l'autorité d'un Comité des évêques réunis. Leurs décisions sont répercutées par le périodique Les Annales de la religion et concourent à la session de deux conciles nationaux (1797 et 1801) aux travaux prometteurs. Les informations et les contacts humains passent en même temps par un réseau de plusieurs centaines de correspondants régionaux qui exposent à Grégoire les problèmes de leurs Églises locales. L'ancien évêque de Blois eût voulu exploiter cette masse documentaire pour une défense et illustration de l'Église constitutionnelle de France. Faute d'y parvenir, il en utilisera certains éléments dans son Histoire des sectes religieuses (1re éd. 1810, saisie sur ordre de Fouché) et son Histoire du mariage des prêtres (1826).
Cruellement déçu par le Concordat de 1801, il se réfugie dans l'opposition à l'Institut de France, qu'il a contribué à fonder. En vain, Napoléon l'accable d'honneurs : titre de comte d'Empire, grade de commandeur dans la Légion d'honneur, auquel il renonce publiquement en 1828. Il voyage beaucoup, accumule les notes et poursuit sa double obsession : la réunion des communions chrétiennes, déjà annoncée dans son Projet de réunion de l'Église russe à l'Église latine (1799), et la liberté des hommes de couleur, qui motive son pathétique appel anti-esclavagiste au Congrès de Vienne en 1815.
Peu lui importent les épithètes de franc-maçon (il a fréquenté naguère[...]
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Écrit par
- Bernard PLONGERON : docteur ès lettres et docteur en théologie, professeur à l'Institut catholique de Paris
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