GRÈVE
Riposte ou prévention
Le lock-out
Le lock-out intervient toujours à titre de riposte à la grève. C'est la fermeture par le chef d'entreprise de tout ou partie de son établissement, pour une durée qu'il détermine souverainement. Certains présentent le lock-out comme une arme patronale symétrique à l'arme que constitue la grève du côté des travailleurs. Telle est en tout cas la conception allemande de la « parité des armes » (Waffengleichheit). Cette façon de voir est assez discutable, car la grève est un contrepoids destiné à compenser les pouvoirs du chef d'entreprise et tendant à rétablir l'équilibre entre deux partenaires sociaux de force économique inégale. Accorder un véritable droit de lock-out serait accorder un supplément de pouvoirs au chef d'entreprise. La jurisprudence française ne reconnaît effectivement pas ce droit, car la Constitution ne prévoit rien à ce sujet. Le lock-out constitue donc une faute, la violation par un employeur de son obligation de fournir du travail à ses salariés. Dans cette éventualité, la Cour de cassation l'oblige à payer le salaire des journées lock-outées, à titre de dommages-intérêts.
Pourtant, le lock-out est souvent considéré comme permis exceptionnellement lorsque la grève est illicite, l'employeur ripostant alors valablement à l'inexécution, par ses travailleurs, de leurs propres obligations. Cette conception est également assez contestable, puisque l'une des parties s'arroge le rôle de dire le droit et de réaliser la justice, alors qu'elle pourrait s'adresser aux tribunaux pour sanctionner des arrêts illicites de travail. La jurisprudence dote le patron de moyens fort étendus à cet égard : rupture du contrat de travail, sanctions disciplinaires, résiliation du contrat, notamment des délégués du personnel. Le lock-out est donc superfétatoire.
Les solutions pacifiques des conflits collectifs
Résoudre les conflits collectifs du travail par une solution pacifique, susceptible d'éviter les grèves, tel a été l'espoir vivace et persistant du législateur de 1892 à nos jours. Mais les diverses mesures en ce sens ont connu un échec assez sensible : la loi du 11 février 1950 a rendu obligatoire la conciliation des conflits collectifs et facultatif leur arbitrage. Système assez inopérant car, de 1950 à 1964, le nombre de conflits examinés par les diverses commissions de conciliation nationales, régionales et départementales s'est élevé à 1 968, soit une moyenne annuelle de 121, alors que durant cette même période le nombre des grèves était rarement inférieur à 2 000 par an.
Après les grèves extrêmement dures de Nantes et de Saint-Nazaire en 1955, le ministère du Travail introduisit une nouvelle forme de règlement pacifique des conflits collectifs du travail : la médiation, procédure plus souple que l'arbitrage, car le médiateur ne rend pas une sentence assortie de force exécutoire, mais seulement une « recommandation », qui doit recevoir approbation des deux parties en conflit pour revêtir la valeur d'une convention collective. Après quelques succès initiaux, l'institution sommeille et rejoint, dans l'indifférence des parties, la procédure de conciliation et d'arbitrage. Cette série d'échecs explique pourquoi, périodiquement, après une phase particulièrement chargée de grèves, on suggère de recourir à l'arbitrage obligatoire tel qu'il avait été institué avec succès jadis par la loi du 31 décembre 1936 (le nombre des grèves avait diminué de 16 907 en 1936 à 2 616 en 1937 et 1 220 en 1939). Mais les conditions de 1936 étaient particulières : l'initiative avait émané de la C.G.T. elle-même ; ensuite la présence au pouvoir d'un gouvernement de gauche rendait les salariés confiants en l'efficacité de telles procédures, et le patronat, provisoirement affaibli à l'époque, ne s'y opposait pas. Mais le retour à l'arbitrage[...]
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Écrit par
- Hélène SINAY : professeur émérite à l'université Robert-Schuman, Strasbourg, faculté de droit
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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