GRIMM JAKOB (1785-1863) et WILHELM (1786-1859)
L'œuvre philologique
Les deux frères s'intéressaient depuis longtemps à la littérature médiévale allemande. Ils avaient remarquablement commenté et édité la Chanson des Nibelungen(Nibelungenlied), Le Pauvre Henri (Der arme Heinrich, début du xiiie siècle) de Hartmann von Aue. Leur intérêt se porta peu à peu sur la langue elle-même. L'étude des langues et de leur étymologie n'était pas nouvelle en 1819, date de la première édition de la Deutsche Grammatik de Jakob. Si Wilhelm von Humboldt les a précédés, de leurs travaux date pourtant la germanistique moderne. Ils avaient abordé leurs recherches guidés par la dangereuse conviction romantique que l'homme avait été doté à sa création par Dieu de trésors inestimables qu'il avait laissés peu à peu dépérir, notamment son sens de la poésie naturelle en même temps que sa langue, autrefois riche, précise et concrète. L'appauvrissement de la déclinaison, de la conjugaison prouverait que la langue moderne n'est que le résultat de cette dégénérescence. Néanmoins, la minutie de leurs recherches les mena, malgré le danger de ces prémisses, à des découvertes essentielles. Celles-ci concernent la métaphonie (explication et histoire de la palatalisation de voyelles), l' apophonie (explication des structures verbales à partir des variations vocaliques) et surtout les lois gouvernant les mutations consonantiques des langues germaniques ; cette dernière découverte, entrevue par leur ami danois Rasmus Rask, n'est exposée que dans la deuxième édition, totalement refondue, de la grammaire. Jakob Grimm avait créé une science, mais il ne put mener à bien toutes ses recherches ; il fallut attendre l'œuvre de Franz Bopp ( Grammaire comparée des langues sanscrite, zende, grecque, latine, lituanienne, slave ancienne, gothique et allemande, 1833), l'apport de philologues ultérieurs, Karl Verner, puis Antoine Meillet et, plus récemment, Jean Fourquet, pour avoir enfin une vue complète de l'évolution de la langue depuis l' indo-européen jusqu'à l'allemand moderne.
La première mutation (première loi de Grimm) concerne le changement progressif des structures consonantiques de l'indo-européen en une nouvelle structure. Elle commence avant le ve siècle avant J.-C. et se termine au début de notre ère. La loi énoncée par le philosophe danois Verner en 1877 met en évidence une autre série de transformations. Il apparaît que les consonnes n'ont donc évolué selon la première loi de Grimm que si elles étaient placées soit à l'initiale, soit en toute position après la voyelle accentuée. Sinon, elles suivent la loi de Verner.
Selon la deuxième loi de Grimm, les occlusives sonores s'assourdissent (Bh devient Ph, Dh devient Th, Gh devient Kh, Guh devient Kuh) La deuxième mutation consonantique des langues germaniques commence à partir de 500 après J.-C.
Il serait inexact de confondre, en raison de leur travail en commun, les personnalités et les œuvres de Jakob et de Wilhelm. Le premier fut un esprit hardi, aventureux, dont bien des hypothèses dans l'œuvre de jeunesse se sont vite révélées fausses. Il fut un grand enthousiaste, un grand découvreur, alors que Wilhelm fut un savant minutieux, consciencieux, mais néanmoins fécond. L'un et l'autre avaient certes travaillé à la renaissance du passé germanique, mais ils avaient aussi créé dans leurs contes, et presque sans le vouloir, une des plus belles langues de l'allemand moderne.
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Écrit par
- Michel-François DEMET : maître de conférences agrégé à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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