GRISONS
Région alpine par excellence, les Grisons (7 105 km2) constituent le canton le plus étendu de la Suisse, dont ils occupent environ un sixième de la superficie, dans la partie sud-est du pays. Il s’agit aussi du canton le plus montagneux : près de 90 p. 100 du territoire se trouve au-dessus de 1 200 mètres, l’altitude moyenne étant de 2 100 mètres, ce qui n’exclut pas de grands dénivelés entre les extrêmes – le Piz Bernina (4 049 m) et le village de San Vittore (279 m). Environ 41 p. 100 de la population vit au-dessus de 1 000 mètres, contre à peine 3 p. 100 pour l’ensemble de la Suisse. C’est également le canton le moins densément peuplé (moins de 30 habitants/km2). La population (197 916 habitants en 2018) tend à se concentrer dans les zones touristiques et la basse vallée du Rhin, tandis que le dépeuplement menace les vallées les plus périphériques.
Le territoire est situé à cheval sur l’arc alpin et, les Grisons ayant toujours cherché à contrôler les deux versants des cols, il en résulte un canton à la forme bizarre et presque tentaculaire. Les eaux de ses quelque cent cinquante vallées sont tributaires de quatre bassins versants : celui du Rhin (s‘écoulant vers la mer du Nord), de loin le plus important et qui concerne le nord et le centre des Grisons ; celui du Danube (vers la mer Noire) qui recueille les eaux de l’Engadine ; et ceux du Pô et de l’Adige (vers la mer Adriatique) pour les cours d’eau du versant sud des Alpes.
Pendant la dernière glaciation, le territoire grison est recouvert de glace et les premières traces de présence humaine remontent à environ dix mille ans. À partir du Néolithique se multiplient les habitats à basse altitude le long des axes de transit. La richesse des offrandes funéraires à l’Âge du fer témoigne d’une certaine aisance matérielle des populations, qui profitent vraisemblablement de leur rôle d’intermédiaires dans le commerce, grâce aux cols du San Bernardino, du Splügen, du Julier et du Septimer. Dès l’an 15 av. J.-C., les Alpes sont conquises par les Romains. Bien que son périmètre n’ait jamais été identifié avec précision, l’extension de la province romaine de Rhétie semble avoir coïncidé fortement avec le territoire des Grisons. La romanisation a profondément marqué la Rhétie, par le christianisme et par les langues, l’allemand ne s’étant imposé comme langue majoritaire qu’au xixe siècle.
Au Moyen Âge, l’évêque de Coire et l’abbé de Disentis fondent de petits États féodaux, liés au contrôle de cols stratégiques ; d’autres seigneurs territoriaux tentent de s’affirmer face aux communautés alpines, dont l’organisation pour la gestion des biens collectifs et des transports le long des axes de transit a toujours constitué un contre-pouvoir local.
Les intérêts convergents des communautés locales et des seigneurs territoriaux – se défendre contre des ingérences externes et garantir la sûreté des axes commerciaux – sont à l’origine des alliances qui donnent naissance au xvie siècle à la république des Trois Ligues – Ligue de la Maison-Dieu (fondée en 1367), Ligue grise (1395) et Ligue des Dix-Juridictions (1436). Une cinquantaine de communes ou juridictions y exercent la souveraineté politique par voie référendaire ; cette structure politique est à l’origine de la tradition fédéraliste (autonomie des communes) des Grisons, encore assez prononcée aujourd’hui. En tant qu’État indépendant allié de la Confédération suisse, les Ligues ont aussi régné sur la Valteline, Bormio et Chiavenna, de 1512 à 1797, et ont été en mesure de jouer un rôle politique et diplomatique dans le concert des puissances européennes.
Après la fin de la république des Ligues et l’éphémère existence d’un canton de Rhétie (1799-1803) au sein de la République helvétique calquée sur le modèle de la France révolutionnaire,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marco MARCACCI : historien, rédacteur
Classification
Médias
Autres références
-
ALPES
- Écrit par Jean AUBOUIN , Bernard DEBARBIEUX , Paul OZENDA et Thomas SCHEURER
- 13 214 mots
- 11 médias
La région alpine se caractérise également par d’innombrables vallées ; les Grisons, par exemple, se présentent comme « le pays alpin des cent cinquante vallées ». Ces vallées participent à la diversité des paysages. Les vallées sont liées entre elles par des cols, qui dépassent souvent 2 000 mètres... -
SUISSE
- Écrit par Bernard DEBARBIEUX , Frédéric ESPOSITO , Encyclopædia Universalis , Bertil GALLAND , Paul GUICHONNET , Adrien PASQUALI et Dusan SIDJANSKI
- 24 372 mots
- 9 médias
... tourisme en revanche pèse lourd dans l’économie alpine, bien davantage que dans le Jura, notamment dans le Valais, l’Oberland bernois et les Grisons. Il assure dès la fin du xviiie siècle la notoriété de quelques villages de montagne. Au xxe siècle, les principales stations (Davos, Saint-Moritz,...