GROENLAND
Une terre d'immigration
Le Groenland n'a jamais connu de population indigène. Tous ceux qui se sont installés sur son sol venaient d'ailleurs. Les uns arrivèrent par le nord-ouest, issus de ce magma de terres et de mers gelées qui coiffe l'actuel territoire canadien, qu'il s'agisse des populations dites Independence I (2 000 ans av. J.-C.), Independence II et Sarqaq (1 000 ans av. J.-C.), Dorset (début de notre ère) ou des Esquimaux qui arrivèrent à partir du xe siècle ; les autres, en l'occurrence quelques colons islandais guidés par Éric le Rouge, vinrent de l'est vers 982. Deux établissements furent créés : le plus ancien et le plus important, dit oriental (Eystribygdh), était, en fait, situé non loin de la future Julianehaab ; au bout d'un siècle, un second, dit occidental (Vestribygdh), fut installé plus au nord dans la région du Godthaabsfjord. Organisés en république sur le modèle islandais mais étroitement dépendants de la Norvège et assez rapidement christianisés (fondation du diocèse de Gardhar au début du xiie siècle), les colons, qui ne furent jamais plus de trois mille, pratiquaient l'élevage extensif et vendaient les fourrures d'ours blancs, l'ivoire des morses et les faucons qu'ils rapportaient de leurs expéditions nordiques. À l'occasion de l' Union de Kalmar (1397), ces établissements passèrent sous la souveraineté danoise, mais à la fin du xve siècle la présence européenne s'évanouit pour des raisons mal éclaircies : refroidissement du climat porteur de famine, épidémie foudroyante, dégénérescence de la population minée par la consanguinité, massacre par les groupes esquimaux descendant vers le sud ? Il y a probablement une parcelle de vérité dans toutes ces explications. Quoi qu'il en soit, pour plus de deux siècles, le Groenland allait devenir la « Kalaallit Nunaat » (terre des hommes), et ses rivages n'être plus troublés que par le passage des navigateurs cherchant la route des Indes par le nord-ouest ou par celui des chasseurs de baleines européens s'enfonçant dans la baie de Baffin.
Il fallut toute l'obstination d'un jeune pasteur norvégien, Hans Egede (1686-1758), qui partit en 1721 s'installer avec sa famille dans le fjord de Godthaab (Bonne-Espérance), pour que le fil de la présence européenne fût renoué, au prix de souffrances effroyables et grâce à l'intérêt de négociants danois et norvégiens, désireux de briser le quasi-monopole hollandais sur la chasse à la baleine. Aussi, tout au long du xviiie siècle, des comptoirs furent-ils créés sur la côte ouest ; la souveraineté danoise sur le pays fut finalement reconnue par les Provinces-Unies en 1762 et par la Russie en 1782 ; elle fut même confirmée paradoxalement par la paix de Kiel en 1814, alors que la Norvège était enlevée au Danemark. Les prétentions norvégiennes sur le Groenland furent définitivement repoussées par la Cour internationale de justice de La Haye en 1933.
Avec le xixe siècle vint le temps des explorations scientifiques : reconnaissance des façades littorales, d'une part, où s'illustrèrent particulièrement Gustav Holm (1849-1940), qui fonda Angmagssalik en 1894, et Georg Carl Amdrup (1866-1947), qui poussa jusqu'au Scoresbysund ; découverte de l'intérieur ensuite, avec les voyages de Fridtjof Nansen (1861-1930), de Ludvig Mylius-Erichsen (1872-1907) et surtout de Knud Rasmussen (1879-1933) qui sillonna le nord de la grande île, fonda Thulé en 1910 et recueillit une abondante documentation sur la culture esquimaude ; de leur côté, Johan Peter Koch (1870-1928) et Alfred Wegener (1880-1930) accomplirent en 1913 la première traversée de l'inlandsis. Les expéditions laissèrent progressivement la place à l'installation de stations de recherche qui permirent d'accomplir d'importants progrès[...]
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Écrit par
- Marc AUCHET : agrégé de l'Université, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, docteur d'État, docteur honoris causa de l'université d'Aalborg (Danemark)
- Jean Maurice BIZIÈRE : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur d'histoire moderne à l'université Pierre-Mendès-France, Grenoble
- Jean CORBEL : maître de recherche au C.N.R.S.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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