GROUPE DE PRESSION
Les forces
L'étude de la dynamique réelle du pouvoir doit porter sur les forces qui sont sous-jacentes aux mécanismes formels d'interaction et déterminent en définitive le fonctionnement et l'évolution du système du pouvoir. Il serait peut-être utile de distinguer des forces internes et des forces externes.
Forces internes et forces externes
Les forces internes sont des déterminants qui sont engendrés par les tensions qui apparaissent à l'intérieur du système du pouvoir lui-même. Des tensions peuvent apparaître entre la base du pouvoir (en particulier la base de consentement) et la composante institutionnelle. Comme celle-ci provient du système institutionnel et que celui-ci a tendance à se rendre autonome, la composante institutionnelle peut, à certains moments, devenir plus forte que la composante virtuelle (la base), au point de conduire les détenteurs des postes de pouvoir à minimiser l'importance de cette composante, voire à la compromettre par des mesures qui ne seraient plus suffisamment expliquées ou qui apparaîtraient comme arbitraires, ou même injustes, aux yeux d'une partie de l'opinion. Un pouvoir n'existe jamais que « sous condition ». Même s'il est très autoritaire, il a besoin d'un certain support. Dans la mesure où il veut assurer sa solidité institutionnelle, en se libérant le plus possible de son support, il risque de perdre son effectivité ; et dans la mesure où il veut, au contraire, s'assurer de son support, il risque de ne pouvoir se stabiliser et de mettre en péril les objectifs qu'il prétendait poursuivre.
D'autre part, dans un système de pouvoir, il y a des mouvements de type intégrateur et des mouvements de type particularisant, et des tensions peuvent se développer entre ces deux espèces de mouvements. Les partis et les groupes qui représentent des intérêts très généraux auront tendance à unifier les projets sociaux et à réaliser de grandes concentrations de pouvoir. Mais par là même, ils risqueront de minimiser, voire de sacrifier, des intérêts partiels, qui réagiront en suscitant des groupes à vocation plus particulière dont l'action pourra, dans une certaine mesure, gêner ou même contrecarrer l'action des grandes formations.
Enfin, des tensions peuvent apparaître à la faveur des interactions entre opinion, groupes, partis, appareil d'État, dont on a vu qu'elles jouent un rôle essentiel dans les mécanismes de transfert. Ainsi l'existence même de ces mécanismes, qui n'ont qu'une signification formelle, entraîne l'apparition de forces réelles qui en alimentent partiellement le fonctionnement (par une sorte d'effet en retour).
Mais, à côté de ces forces internes, il y a les forces externes. Ici, il faudrait invoquer essentiellement l'intervention du système culturel et celle du système économique. Le système culturel semble jouer surtout un rôle médiateur ; on y reviendra ci-dessous. Le système économique est l'instance sociale qui organise l'allocation des ressources disponibles, la production des biens et des services, leur circulation et leur répartition entre les membres de la collectivité. Or, ce système est le siège de phénomènes spécifiques de pouvoir qui ont leurs répercussions sur le système de pouvoir politique analysé ci-dessus. Les questions qui apparaissent déterminantes, à ce point de vue, concernent non l'aspect proprement technique de l'activité économique, mais le contrôle des facteurs stratégiques : mécanismes de collecte des ressources (constitution du capital, crédits de toute nature), instruments de production, forces de travail, mécanismes de distribution, formation de la demande (ici s'inscrit, par exemple, le rôle de la publicité). La situation qu'un individu occupe dans le processus économique, surtout à l'égard de la production, détermine l'accès qu'il peut avoir au contrôle de ces facteurs. Or les systèmes[...]
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Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
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