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GROUPE DE PRESSION

Les groupes et l'intérêt général

En dernière analyse on est amené à s'interroger sur l'action des groupes de pression en fonction de l'intérêt général. À première vue, elle apparaît comme néfaste, puisqu'elle fait peser sur l'État, gardien, en principe, de l'intérêt général, le poids d'intérêts particuliers. Mais il faut examiner de plus près ce que signifie l'intérêt général. On peut l'envisager d'un point de vue formel ou du point de vue de son contenu. Du point de vue formel, on pourra dire qu'un système fonctionne conformément à l'intérêt général s'il comporte un dosage convenable de stabilité et de flexibilité, s'il est capable à la fois de maintenir une cohésion suffisante du corps social et d'anticiper l'avenir, en assumant de façon constructive et créatrice les tensions qui apparaissent dans ce corps. Du point de vue du contenu, on pourra dire que l'intérêt général est ce qui assure à chacun toutes les possibilités d'épanouissement que peut offrir le niveau de civilisation matérielle et de culture existant à un moment donné.

Intégration formelle et jeu des forces

Il faut remarquer que les groupes de pression, bien qu'ils représentent des intérêts partiels, réalisent, à travers leur organisation et la fixation de leurs objectifs, un certain degré d'intégration qui rattache (dans une mesure variable) ces intérêts à une perspective globale. D'autre part, comme ils sont en partie convergents et en partie antagonistes, ils composent entre eux, à travers leurs interactions mutuelles, une figure d'équilibre, toujours momentanée, qui permet aux tensions réelles de se manifester, mais qui, en même temps, les inscrit dans une sorte de cohérence au moins provisoire. Si les partis étaient les seuls éléments de globalisation des intérêts et des objectifs, ils introduiraient presque certainement une distorsion systématique à l'égard des situations et des aspirations réelles. Le jeu complexe des groupes, en venant se combiner avec celui des partis, fournit une représentation beaucoup plus adéquate de la réalité sociale (telle qu'elle est vécue à la fois dans le système économique, dans le système culturel et dans le système politique), et oblige l'appareil d'État à modeler son action plus exactement sur celle-ci. Ainsi pourrait-on penser que l'action des groupes de pression s'exerce dans un sens favorable à l'intérêt général considéré d'un point de vue formel.

Mais si l'on se place au point de vue du contenu, on pourrait être amené à porter un jugement très différent. On fera remarquer que la fonction principale des groupes de pression est de transporter dans la sphère des décisions politiques les tensions et contradictions de la sphère économique, et par conséquent aussi les effets de domination propres à cette sphère. Or, ces effets de domination ont pour conséquence que la production n'est pas organisée de manière à satisfaire le mieux possible les besoins réels, compte tenu des ressources existantes. L'action des groupes de pression réalise une certaine forme d'intégration, mais celle-ci ne correspond pas, ou en tout cas ne correspond que très imparfaitement, au véritable intérêt général. Elle ne fait que refléter l'équilibre (toujours instable) des forces en présence. L 'État, dans la mesure où il subit la pression des groupes, ne fait lui-même, dans son action propre, que refléter le jeu de ces forces. Et, même lorsqu'il intervient comme arbitre, il ne semble pas avoir la possibilité de modifier par lui-même les données qui lui sont imposées. Cela pourrait suggérer l'idée que l'État devrait, d'une manière ou d'une autre, limiter les capacités d'action des groupes de façon à reconquérir une autonomie entière à leur égard et à substituer à une conduite d'adaptation, qui enregistre les pressions[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

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