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CINQ GROUPE DES, musique russe

Cénacle musical qui, autour de Mili Balakirev, réunissait César Cui, Alexandre Borodine, Modest Moussorgski et Nicolaï Rimski-Korsakov. Il est connu sous deux étiquettes : en France, on l'appelle généralement le « groupe des Cinq » russe ; en Russie, le « puissant petit groupe ». La seconde appellation est due à Vladimir Stassov (1824-1906), éminent archéologue slavisant, conseiller littéraire et esthétique du cénacle au sein duquel il joua un rôle en tous points comparable à celui de Cocteau auprès du « groupe des Six » français. Son origine est la suivante : en 1866, dans un article consacré à la jeune école musicale russe nationaliste, à l'occasion de la première représentation, à Prague, de Rousslan et Ludmilla de Glinka, Stassov avait mentionné le « puissant petit groupe d'avenir » constitué par Balakirev et ses compagnons d'armes. Reprise d'abord par certains critiques musicaux sur le mode ironique, l'expression ne tarda pas à devenir populaire en Russie.

L'étiquette de « Cinq » n'est pas exacte, car, si le cénacle de Balakirev se composait de cinq membres principaux, il en compta, en réalité, toujours plus ou moins de cinq. Ainsi, jusqu'en 1856, le « cercle » se limita à deux adhérents — Balakirev et Cui ; Moussorgski est venu se joindre à eux en 1856 ; Rimski-Korsakov en 1860 ; Borodine en 1862. En 1866, on enregistra d'autres adhésions comme celles de Lodygenski, Goussakovski et Stcherbatchov (qui n'ont laissé aucun nom dans l'histoire de la musique russe) ; puis, vers 1870, celle d'Anatole Liadov. De la sorte, le « puissant petit groupe » ne compta réellement cinq membres qu'entre 1862 et 1866 — et il serait faux de limiter son activité à cette seule période.

En outre, l'appellation de « Cinq » crée une fausse idée de contemporanéité : Moussorgski est mort en 1881, alors que Rimski-Korsakov n'en était pratiquement qu'à ses débuts, ayant composé trois opéras (auxquels douze autres allaient succéder) ; Balakirev est mort en 1910, Cui en 1918, Borodine en 1887 et Rimski-Korsakov en 1908.

Certes, malgré leur différence d'âge (en 1862, alors que Cui avait vingt-sept ans, Moussorgski en avait vingt-trois et Rimski-Korsakov dix-huit), les jeunes gens étaient unis par les liens d'une amitié profonde, par des goûts, des idéaux et des objectifs communs ; mais chacun envisageait ces objectifs à sa propre manière et pensait pouvoir les atteindre par des voies différentes. D'ailleurs, quoi de plus « passe-partout », de moins précis que le « manifeste » qu'ils élaborèrent d'un commun accord et que César Cui fut chargé de rédiger :

1. La nouvelle école souhaite que la musique dramatique ait une valeur propre de musique pure, indépendamment du texte. Un des traits caractéristiques de cette école est de s'insurger contre la vulgarité et la banalité.

2. La musique vocale au théâtre doit être en parfait accord avec le texte chanté.

3. Les formes de la musique lyrique ne dépendent nullement des moules traditionnels fixés par la routine ; elles doivent naître librement et spontanément de la situation dramatique et des exigences particulières du texte.

4. Il importe de traduire musicalement, avec un maximum de relief, le caractère et le type de chacun des personnages d'une action ; de s'interdire le moindre anachronisme dans les œuvres qui ont un caractère historique ; de restituer fidèlement la couleur locale.

À dire vrai, ce manifeste ne diffère guère de la profession de foi de tous les grands compositeurs lyriques. Monteverdi, Mozart, Gluck, Weber, Wagner, Debussy auraient pu y apposer leur signature ! Ce qui compte donc, ce n'est pas l'activité globale d'un théorique groupe des Cinq, mais la personnalité de chacun de ses membres, et le désir pour quatre d'entre[...]

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