GROUPE SOCIAL
La théorie sociologique, qui considère l'ensemble des phénomènes sociaux, est bien plus large que la théorie des groupes ou groupements, et ne peut être confondue avec elle. Certaines des contributions théoriques majeures, notamment celles des fondateurs, ont négligé ce mode de détermination de la réalité sociale. Cette constatation se vérifie dans l'œuvre de Comte et de Spencer. Durkheim lui-même a surtout envisagé le groupe sous l'aspect de sa cohésion – effet de la contrainte qu'il exerce sur ses membres – et du degré d'intégration qui le définit, mais non dans sa spécificité. Quant à Marx, les catégories sur lesquelles se fonde sa sociologie sont celles de structure, de classe, de mode de production et non celles qui pourraient résulter d'une différenciation et d'une combinaison des groupes sociaux.
Cette indifférence est révélatrice ; elle montre que l'accent mis sur les groupements, ou, inversement, le fait de les négliger, détermine pour une large part les conceptions générales de la société ; le point central du débat est généralement la nature du rapport de l'individu à celle-ci. G. Gurvitch a organisé sa sociologie générale en distinguant trois plans horizontaux d'observation : le plan macrosociologique qui est celui des « sociétés globales », des larges ensembles sociaux disposant de la capacité de satisfaire tous les besoins de leurs membres ; le plan des groupements partiels qui entrent dans la composition des sociétés globales (familles, classes, associations, etc.) ; le plan microsociologique qui est celui des divers modes de liaisons sociales, des « formes de sociabilité ». Ces plans s'impliquent mutuellement, bien que le troisième relève de la considération des rapports interpersonnels au sein des groupes, et le premier de la considération des rapports intergroupes au sein de l'unité sociale la plus englobante. L'implication s'explique, selon Gurvitch, par le fait que l'individu et la société se trouvent en constante « réciprocité de perspective ». C'est cependant au plan moyen que les groupements sociaux doivent être appréhendés, afin de déterminer leurs caractéristiques générales et la diversité de leurs formes.
L'étude des groupes sociaux situe ces derniers à un niveau intermédiaire de la réalité sociale, ou plus précisément à une position moyenne dans la série des ensembles sociaux, définis selon leur dimension, leur extension. Il s'agit, en la circonstance, d'unités d'observation restreintes qui peuvent être soumises à une investigation totale : celles qui se situent dans le champ de la psychologie sociale, constamment attentive à investir les « petits groupes », et celui de l'anthropologie sociale, toujours employée à l'examen de petites communautés et de sociétés de taille réduite. Ces dernières sont l'objet direct de notre analyse, mais elles relèvent aussi d'une interrogation plus générale portant sur la nature des groupes sociaux et leur mode d'existence.
Groupes en ethnologie
Le groupe, unité réelle et intégrée
Quand il est question de définir le groupe, les sociologues s'accordent plus facilement sur les négations que sur les affirmations. Tout regroupement de personnes ne constitue pas nécessairement un groupe. Il peut se réduire à un agrégat physique, c'est-à-dire à un ensemble d'individus unis par la simple proximité physique – comme c'est le cas dans une file d'attente ou dans un grand magasin. L'unité de lieu et de temps ne crée pas automatiquement l'unité sociale. Par ailleurs, le regroupement logique de personnes présentant certaines caractéristiques communes (ou une caractéristique commune) ne forme pas un groupe, mais un agrégat statistique ou une catégorie, comme on le voit avec les catégories[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Georges BALANDIER : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- François CHAZEL : professeur de sociologie à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
ACTION COLLECTIVE
- Écrit par Éric LETONTURIER
- 1 466 mots
On entend par ce terme, propre à la sociologie des minorités, des mouvements sociaux et des organisations, toutes les formes d'actions organisées et entreprises par un ensemble d'individus en vue d'atteindre des objectifs communs et d'en partager les profits. C'est autour de la question des motivations,...
-
AGNOTOLOGIE
- Écrit par Mathias GIREL
- 4 993 mots
- 2 médias
...la situation d’une communauté, ou encore le déni d’une minorité politique ou sociale, relèvent toujours du troisième sens, c’est-à-dire d’une stratégie. On pourrait également qualifier l’ignorance de manière relationnelle : est-elle relative, au sens où certains agents ignorent ce que d’autres savent ?... -
ANTHROPOLOGIE URBAINE
- Écrit par Thierry BOISSIÈRE
- 4 900 mots
- 2 médias
Des études sur les milieux sociaux urbains ont ainsi porté sur la façon dont certains groupes sociaux (classe ouvrière [Schwartz, 1990], grande bourgeoisie [Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989, 2000], minorités ethniques [Raulin, 2009], etc.) fonctionnaient et se reproduisaient dans la durée en développant... -
AUTOCONTRAINTE
- Écrit par Fabien CARRIÉ
- 1 188 mots
...régulation des pulsions de l’individu, son idéal du moi, se trouve contestée, Elias arguant quant à lui de l’existence d’instances de contrôle différenciées. Celles-ci sont relatives aux groupes d’appartenance des individus et à leur idéal du nous respectif, qui détermineraient le degré d’autocontrainte à la... - Afficher les 73 références