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GROUPE SOCIAL

Groupe primaire

Selon l'inventeur de l'expression, Charles Horton Cooley, le groupe primaire est caractérisé par des relations intimes d'association et de coopération ; mais il est, au moins, une autre acception bien différente, d'origine psychologique et psychanalytique, puisque, pour Freud en particulier, « un groupe primaire est formé d'un certain nombre d'individus, qui ont un idéal commun en la personne de leur chef et qui, en vertu de cet idéal, s'identifient les uns aux autres ».

En fait, cette notion ne s'épuise pas dans une définition et, pour mieux l'appréhender, il est utile de retracer les principales étapes de la recherche, menée surtout par la sociologie et la psychologie sociale américaines, auxquelles le concept de groupe primaire est associé de façon caractéristique. Cette approche historique est, semble-t-il, particulièrement appropriée à un thème, dont la découverte relativement tardive (1909) et l'assez longue éclipse (plus de deux décennies) sont, peut-être autant que la vogue récente, significatives pour la compréhension de cette science. Il convient donc de dégager les postulats théoriques, souvent implicites, qui ont conduit tantôt à négliger le groupe primaire, tantôt, au contraire, à le mettre au premier plan ; on sera ainsi plus à même de situer les courants dominants à telle ou telle époque, de souligner leurs lignes de force, sans omettre leurs limites. Cette orientation conduit à porter, sur certaines études contemporaines relatives au groupe primaire, une appréciation qui, pour être positive, n'en sera pas moins tempérée de réserves.

Une réalité difficile à cerner

Le manque d'intérêt des sociologues européens pour le groupe primaire

Au xixe siècle, la sociologie se préoccupait essentiellement des grands ensembles sociaux (c'est-à-dire, dans la tradition de l'idéalisme allemand, de la société globale, qualifiée tantôt de libérale, tantôt de capitaliste) ou des totalités culturelles. De surcroît, on cherchait à définir l'originalité de la société moderne en la replaçant dans une évolution qui était parfois mal dégagée de la philosophie de l'histoire : prenant conscience du passage d'une société traditionnelle à une société industrielle, on y voyait le passage du « statut » au « contrat », de la solidarité mécanique à la solidarité organique, ou encore de la communauté à la société.

En insistant sur le caractère impersonnel et rationaliste de la nouvelle société, cet évolutionnisme ne poussait guère à étudier des groupes caractérisés par des relations intimes ; dans l'optique dominante, celles-ci étaient vouées à une disparition prochaine. De plus, l'intérêt, en soi légitime, porté à la société globale était trop exclusif pour permettre de distinguer et de reconnaître dans la structure sociale une pluralité complexe de niveaux ou de paliers ; la prise en considération du groupe primaire était donc pratiquement exclue d'une analyse des structures sociales, axée sur la division en classes ou sur les institutions originales liées à l'industrialisation.

Sans doute F. Tönnies insistait-il sur le haut degré de la solidarité qui liait les membres de la communauté (Gemeinschaft), mais il présentait là en fait un type générique qui, pour englober des groupes primaires, était bien loin de se réduire à eux, et qui, d'ailleurs, était destiné à être remplacé par la société (Gesellschaft). Durkheim, dans sa préface à la seconde édition de son ouvrage De la division du travail social, proposait bien de combattre l'anomie économique grandissante par la constitution de groupes professionnels ; mais leurs dimensions et leurs fonctions, liées à l'organisation des rapports de travail, interdisent, semble-t-il, de considérer ces groupements institutionnels[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : professeur de sociologie à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Média

Guerrier Massaï - crédits : P. Almasy/ AKG-images

Guerrier Massaï

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