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GUÈGUES

Habitant de la Guégarie, c'est-à-dire le nord de l'Albanie actuelle, les Guègues se distinguent des autres ethnies albanaises par des particularités dans le domaine de la langue, de l'organisation et du costume. Ils appartiennent au vieux substrat balkanique qui n'adopta pas la slavophonie.

La Guégarie n'a pratiquement jamais admis l'autorité d'aucun État. Alors que sa côte et ses petites plaines étaient disputées par Rome et par Byzance, la Guégarie montagneuse ne reconnaissait pas le pouvoir du basileus de Constantinople, et ses habitants étaient désignés par les chroniqueurs byzantins comme abazilentoï (ceux sur lesquels nul ne règne). Ses clans importants, qui cherchaient à imposer sur les plaines voisines leur pouvoir indépendant de Byzance, acceptèrent de se placer sous la suzeraineté de Charles Ier d'Anjou (1271), qui donna à la Guégarie le nom de Regnum Albaniæ et se fit couronner roi d'Albanie. La conversion au catholicisme d'une partie des tribus de la Guégarie qui s'ensuivit avait plus le sens d'une alliance que d'une conversion. D'ailleurs, à l'apparition des Ottomans, la conversion à l'islam d'un certain nombre d'anciens catholiques eut le même caractère. Ceux des Guègues qui demeurèrent catholiques continuèrent à servir librement dans les armées du sultan et y étaient même très recherchés. Ce privilège et le goût d'indépendance de ces tribus reconnaissant formellement le pouvoir de la Porte tout en vivant à leur guise dans leurs montagnes firent que cette région qui n'avait guère plus de 250 000 habitants en 1870 était un villayet (gouvernement général) et non un sandjak (circonscription). La moitié de cette population habitait dans les villes et les plaines côtières, l'autre moitié dans les montagnes.

Au sud de la Malessie (région au nord de Shkodra), la Mirditie est habitée uniquement par des catholiques, qui participèrent à la bataille de Kossovo (1389) et à la révolution grecque de 1821, mais du côté des Turcs. On considère aussi comme Mirdites les Doukatjini (11 000 personnes dans les années 1930), qui se divisaient en trois tribus ou « drapeaux », et les habitants de la vallée de Mati, qui se divisaient en quatre « drapeaux ». Chaque tribu (fis) comprend un certain nombre de far (foyer), fédération de grandes familles d'origine commune, équivalente du « clan ». Tous les hommes de la far en état de combattre constituaient, avant l'avènement du pouvoir socialiste en Albanie, un corps armé nommé tchéta. La tribu était administrée par l'assemblée des vieillards (pliak). Elle se nommait kouvend, terme qui est passé dans le grec moderne avec le sens de « discussion ». Dans la région de Dibra, l'assemblée était désignée par le terme kanun, du grec kanon. En temps de guerre, on investissait un guerrier du pouvoir de général sur toutes les tchéta du farde la tribu. Il portait le drapeau de la tribu, d'où son nom baïraktar (porte-drapeau), et menait l'expédition. Cette dernière terminée, le chef déposait son autorité entre les mains de l'assemblée des vieillards. Mais, au sein de certaines grandes tribus comme les Castrati, les Hotti, les Clémenti, les Vassoévitch, quelques clans prirent plus d'importance que les autres, ce qui aboutit à la formation d'une aristocratie clanique héréditaire.

L'exogamie est très stricte, et dans quelques tribus le rapt de la femme est une institution quasi obligatoire. La polygamie n'était pas rare chez les catholiques comme chez les musulmans.

Les tribus guègues comme d'autres tribus albanaises et slaves de l'Ouest balkanique gardent le souvenir de coutumiers très détaillés et précis, transmis en vers par la tradition orale. Ces coutumiers portent le nom du vieillard législateur qui formula le dernier une[...]

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    ...tosque, implantée dans le centre et le sud du pays, et traditionnellement plus perméable aux influences étrangères. Il fallait faire accepter le nouveau régime aux montagnards guègues du Nord, vivant sous l'institution du fys, communauté pastorale et agraire, et rebelles à tout pouvoir central.