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ROJDESTVENSKI GUENNADI (1931-2018)

Fils du pédagogue et chef d’orchestre Nikolaj Anosov (1900-1962) et de la soprano Natalia Rojdestvenskaïa (1900-1997), Guennadi Rojdestvenski naît à Moscou le 4 mai 1931. Pour éviter toute confusion avec la carrière de son père, qui l’initie très tôt à la direction d’orchestre, l’adolescent choisit de se produire sous le nom de sa mère. Au Conservatoire de Moscou, il travaille également le piano avec Lev Oborin. Dès l’âge de vingt ans, il dirige avec brio, alors qu’il est encore étudiant, le ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski au théâtre Bolchoï. L’institution moscovite l’engage immédiatement pour une période de dix ans comme assistant de Youri Faïev, plus spécialement chargé des ballets. Succédant à Evgeni Svetlanov, il y devient, de 1964 à 1970, chef d’orchestre principal. Bien des années plus tard, il reviendra au Bolchoï comme directeur musical pour un bref mandat (2000-2001). Guennadi Rojdestvenski y aura dirigé plus de trente opéras et ballets, dont la création en 1956 de Spartacus de Khatchaturian. Parallèlement, de 1961 à 1974, il est nommé directeur musical de l’Orchestre de la radio de l’URSS. Il prend également en main les destinées de l’Opéra de chambre de Moscou. C’est avec cette formation qu’il sort de l’oubli, en 1974, Le Nez de Chostakovitch, d’après Gogol, une œuvre lyrique dont la création controversée avait eu lieu en 1929 et qui avait disparu de la scène depuis 1931. En dépit des liens de fidèle amitié qu’il a noués, au fil de multiples premières auditions, avec des musiciens souvent peu appréciés par les autorités – Rodion Chtchedrine, Dmitri Chostakovitch, Alfred et Irina Schnittke, Sophia Goubaïdoulina ou Edison Denisov –, il semble avoir traversé la période soviétique sans ennuis personnels majeurs. En 1982, il prend la tête de l’Orchestre du ministère de la Culture de l’URSS, ensemble qu’il dirigera jusqu’à l’effondrement du régime en 1991.

Sa carrière hors des frontières se développe au milieu des années 1970. Par deux fois (1974-1977 puis 1991-1995), il assume la direction musicale de l’Orchestre philharmonique de Stockholm. Il dirige également l’Orchestre de la BBC de Londres (1978-1981) et l’Orchestre symphonique de Vienne (1981-1983). Invité par les principales phalanges européennes, Guennadi Rojdestvenski a également enseigné la direction d’orchestre au Conservatoire de Vienne ainsi qu’à l’Académie Chigiana de Sienne. Il a croisé la route de nombreux grands instrumentistes : le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, les violonistes David Oïstrakh, Henryk Szeryng, Victor Pikaisen et Itzhak Perlman, ainsi que la pianiste Viktoria Postnikova, qu’il épouse en 1969 et qui lui donne en 1970 un fils, le futur violoniste Alexandre Rojdestvenski.

Le visage de Guennadi Rojdestvenski reflétait tout l’éventail des émotions humaines sans que sa gestique se départisse d’une constante sobriété et d’une précision absolue. Évitant autant que possible les longues répétitions, il préférait – non sans prendre parfois quelques risques – aux préparations minutieuses la spontanéité créative et aventureuse née au contact du public. Avec un goût marqué pour les élans sauvages, il menait une inlassable quête de l’intensité expressive, dût-elle en passer par une certaine rudesse. Il nous laisse une discographie considérable qui compte près de quatre cents albums essentiellement consacrés au répertoire russe des xixe et xxe siècles. On y distinguera un grand nombre de ballets, plusieurs intégrales symphoniques (Sibelius, Prokofiev, Chostakovitch, Glazounov, Bruckner) et une version restée légendaire de Pierre et le loup de Prokofiev avec Gérard Philipe en récitant.

Guennadi Rojdestvenski meurt à Moscou le 16 juin 2018.

— Pierre BRETON

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