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GUÉRILLA

Article modifié le

Des écoles et des terrains

La guérilla à l'ancienne

Six siècles avant notre ère, Sunzi écrivait le premier traité sinon de guérilla, du moins de guerre subversive : « Corrompez, disait-il, altérez la confiance, troublez les gouvernements, semez la dissension, provoquez l'indiscipline, fournissez des causes de mécontentement, amollissez le cœur de l'ennemi, donnez de fausses alarmes et de faux avis... Un général vraiment compétent sait l'art d'humilier l'adversaire sans livrer bataille et de capturer des cités sans verser le sang. » Et de compléter ce tableau à dominante psychologique par quelques conseils plus matériels visant à affamer l'ennemi, à l'attaquer sur ses arrières, à utiliser les paysans contre lui et à ne lui laisser aucun répit.

Plus d'un qui suivit dans le temps, tel Philippe de Macédoine, sut faire la même analyse, l'histoire étant pleine de ces méthodes « si propres à conserver au prince son patrimoine et à lui gagner de nouvelles provinces ». Fût-elle moins subtile, la guérilla, quoi qu'il en soit, n'a cessé depuis lors de défrayer la chronique, et d'abord dans le monde latin avec notamment Vercingétorix et, au tout début de notre ère, la révolte du Numide Tacfarinas dans les Aurès. « Spargit bellum », écrit à cette occasion Tacite. La guerre nouvelle qu'il découvre s'étend, en effet, s'éparpille. Face aux légions romaines, les bandes, comme des gouttes de mercure, se morcellent dans un combat que l'historien qualifie de « lutte de l'ours contre les moustiques ». Peu à peu, les populations se rallient à ce chef naturel dont les notables se rapprochent et dont l'influence grandit, tandis que se diversifient les unités, les unes, régulières, tournées vers la bataille, les autres, supplétives, plutôt tournées vers le terrorisme. Mêmes causes, mêmes effets : comme dans tant d'aventures postérieures du même type existent deux risques majeurs pour les rebelles ; d'un côté, la désunion et, de l'autre, la tentation d'une cristallisation militaire prématurée, propre à mettre le faible, triomphant lorsqu'il se disperse, à la merci d'un ennemi plus massif et mieux armé que lui. Comme dans tant de cas similaires, la guerre durera sept ans, les forces de l'ordre recourant, comme il se doit, à un mélange d'implantations fixes et de colonnes mobiles, sans oublier les « razzias » et la « terre brûlée », à la recherche d'un équilibre difficile entre une concentration stérile et une dissémination pleine de dangers.

D'innombrables révoltes analogues suivront, qu'on ne saurait répertorier. L'esprit de la chevalerie, le mercenariat, en attendant la professionnalisation de l'armée, joueront, cependant, contre la guérilla, jugée peu convenable et d'ailleurs inadaptée au tempérament martial. Napoléon lui-même exprimera son dégoût pour ce genre de combat et préférera se battre en Prusse plutôt qu'en Espagne. Jusqu'en 1789, les rébellions répondront ainsi à des réflexes ou à des motivations spontanés, d'ordre social comme la Jacquerie, d'ordre religieux comme la révolte des camisards ou d'ordre national comme celle des gueux aux Pays-Bas ou, en France, la lutte contre les Anglais. Encore ces mouvements seront-ils souvent provoqués ou accentués, comme en Vendée, par des considérations plus prosaïques, du type refus de la conscription ou opposition violente aux pillages, aux brutalités et aux exactions commises par les armées, le couple solidarité locale-spoliation inconsidérée constituant le meilleur moteur de toute guerre prolongée.

Clausewitz

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, ancien président de la Fondation pour les études de défense nationale

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Draza Mihajlovic - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Draza Mihajlovic

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