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GUERRA ANTONIO, dit TONINO (1920-2012)

Tonino Guerra - crédits : Meliksetyan Marianna / Shutterstock.com

Tonino Guerra

Écrivain et scénariste italien, Antonio Guerra est né à Sant'Arcangelo di Romagna le 16 mars 1920. Après avoir écrit plusieurs poèmes et romans, souvent en dialecte romagnol, il vient au cinéma en 1957 avec le scénario de Hommes et loups (Uomini e lupi), de Giuseppe De Santis, qu'il élabore en collaboration avec Elio Petri, futur cinéaste que Guerra secondera plus d'une fois. Guerra va vite devenir un des scénaristes les plus demandés du cinéma italien. Son sens du dialogue et des dialectes, son habileté de constructeur ainsi qu'une capacité somme toute rare à manier l'abstraction et la métaphore vont lui permettre de collaborer avec des cinéastes très différents.

Tonino Guerra accompagne toute la carrière d'Antonioni (L'Avventura, 1960 ; La Nuit, La Notte, 1961 ; L'Éclipse, L'Eclisse, 1962 ; Le Désert rouge, Deserto rosso, 1964 ; Blow up, 1967 ; Identification d'une femme, Identificazione di una donna, 1982 ; Par-delà les nuages, Al dilà delle nuvole, 1995), en réussissant à donner une épaisseur humaine à des personnages évanescents et à cerner avec acuité la charge d'imaginaire de certains milieux (la bourse dans L'Éclipse, le « swinging London » dans Blow up). Francesco Rosi fait plutôt appel à la grande connaissance que possède Tonino Guerra des questions politiques et historiques (Les Hommes contre, Uomini contro, 1970 ; L'Affaire Mattei, Il Caso Mattei, 1972 ; Lucky Luciano, 1973 ; Cadavres exquis, Cadaveri eccellenti, 1976) et celui-ci, paradoxalement, réussit à révéler au cinéaste un lyrisme que jusqu'alors il contenait, à partir de La Belle et le cavalier (C'era una volta, 1967), conte de fées napolitain loin d'être mineur. Elio Petri, quant à lui, choisit Guerra pour son sens de la fable, qui se profile derrière des dehors faussement réalistes (L'Assassin, L'Assassino, 1961 ; I Giorni contati, 1962 ; Un coin tranquille à la campagne, Un tranquillo posto di campagna, 1968). C'est probablement grâce à son sens ancestral de la narration et à son humour que les frères Taviani vont se détourner du didactisme au profit d'inspirations poétiques parfois cosmiques (La Nuit de San Lorenzo, La Notte di San Lorenzo, 1981 ; Kaos, 1984 ; Good Morning Babilonia, 1987 ; Le Soleil même la nuit, Il Sole anche di notte, 1990). Auprès de Federico Fellini, Tonino Guerra va jouer un autre rôle : il met un semblant d'ordre et de rigueur dans les débordements du cinéaste en collaborant à ses trois films les plus structurés, Amarcord (1973), où ses propres souvenirs de Romagne sont aussi présents que ceux du maestro, Et vogue le navire (E la nave va, 1983), qui nous ramène à la fable philosophique, et Ginger et Fred (Ginger e Fred, 1985).

De manière plus épisodique, mais tout aussi enrichissante, on voit Tonino Guerra signer quelques brillants scénarios de comédies, tantôt originaux (Casanova 70, de Mario Monicelli, 1965 ; Supertémoin, La Supertestimone, 1971, de Franco Giraldi, ou Une bonne planque, Bianco Rosso e..., d'Alberto Lattuada, 1972) tantôt fruits d'adaptations (Caro Michele, 1976, de Monicelli, d'après un roman de Natalia Ginzburg ; Mariage à l'italienne, Matrimonio all'italiana, 1964, de Vittorio De Sica, d'après la pièce Filumena Marturano d'Eduardo De Filippo). Il sait également s'effacer avec modestie devant l'angoisse mystique d'Andreï Tarkovski (Nostalghia, 1983). Parmi ses derniers travaux, on retiendra moins le professionnalisme irréprochable de Ils vont tous bien (Stanno tutti bene, 1990, de Giuseppe Tornatore) que sa sensibilité méditerranéenne qui vient si heureusement réchauffer l'univers glacé de Theo Angelopoulos (Le Voyage à Cythère, 1984 ; L'Apiculteur, 1986 ; Paysage dans le brouillard, 1988 ; Le Pas suspendu de la cigogne, 1991 ; Le Regard[...]

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Écrit par

  • : historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue Positif

Classification

Média

Tonino Guerra - crédits : Meliksetyan Marianna / Shutterstock.com

Tonino Guerra

Autres références

  • PAR-DELÀ LES NUAGES (M. Antonioni)

    • Écrit par
    • 1 398 mots

    La présentation de Par-delà les nuages, à la biennale de Venise en septembre 1995, prit les allures d'un événement national. Le président de la République italienne en personne se déplaça pour assister à la projection du film, tant il y avait quelque chose de miraculeux dans ce retour, après treize...