- 1. L'insurrection de novembre 1954
- 2. Le soulèvement paysan du 20 août 1955
- 3. Les « pouvoirs spéciaux »
- 4. Les violences algéro-algériennes
- 5. Dans l'engrenage de la terreur : la « bataille d'Alger »
- 6. Le 13 mai 1958 et la naissance de la Ve République
- 7. Victoire militaire et doutes politiques
- 8. Sur la voie de l'« autodétermination »
- 9. Pourparlers et « porteurs de valises »
- 10. La création de l'OAS
- 11. Pour la fin de la guerre : la lassitude de l’opinion
- 12. L’exode des Européens terrorisés
- 13. Mémoires de la guerre
- 14. Bibliographie
GUERRE D'ALGÉRIE
Mémoires de la guerre
Le bilan de la guerre d'Algérie, de part et d'autre de la Méditerranée, est très lourd. En Algérie, le conflit a fait des centaines de milliers de morts, provoqué le déplacement et l’exode de millions de personnes, déstructuré durablement l'économie. En outre, il a amené au pouvoir le FLN, parti unique qui s'est présenté comme le seul héritier du nationalisme algérien et qui a nié pendant presque trente ans tout pluralisme politique et culturel et conduit le pays au bord du gouffre. Le FLN a reconstruit une histoire officielle qui gommait les terribles affrontements algéro-algériens et présentait l'image héroïque d'un peuple unanimement massé derrière lui.
En France, si les victimes furent beaucoup moins nombreuses, le traumatisme n'en a pas été moins puissant. Faut-il rappeler que 1 300 000 soldats ont traversé la Méditerranée entre 1955 et 1962, soit la plupart des jeunes hommes nés entre 1932 et 1943 qui étaient susceptibles d'être appelés ? Toute une génération s'est donc trouvée embarquée dans une guerre dont elle ne comprenait pas les enjeux. Politiquement, le conflit a entraîné la chute de six présidents du Conseil et l'effondrement d'un régime. Or, pour des raisons singulières, la mémoire de cette guerre s'est trouvée littéralement occultée. En France, on a préféré ensevelir le souvenir de cette « sale guerre » pour ne pas avoir à écrire toutes les pages d'un épisode peu glorieux de l'histoire.
Depuis lors, la fracture a été mal réduite et les tensions, les fantasmes, les obsessions ont perduré. Sans que cela soit ni dit ni reconnu, cette « époque algérienne » submerge le quotidien français : revendications d'égalité des enfants d'immigrés algériens vivant dans les banlieues ; révoltes dans les derniers camps de harkis ; débats autour de l'immigration et définition de l'« identité française », discussions autour de la refonte éventuelle du Code de la nationalité... Si les pieds-noirs rapatriés finissent par s’intégrer, économiquement et socialement, il n'en est pas de même des harkis, souvent considérés comme « coupables » d'avoir choisi la France, et qui ont longtemps été maintenus en marge de la société française ; ni des descendants d'immigrés algériens, victimes du racisme, ballottés entre deux histoires et considérés comme « étrangers » des deux côtés de la Méditerranée.
Bien que le conflit algérien entre dans les programmes du lycée dès 1983, il faut néanmoins attendre le 10 juin 1999 pour que l'Assemblée nationale française décide de reconnaître officiellement la « guerre d'Algérie ». Mais cela n’est que le début d’un long processus d’apaisement des mémoires.
Au moment du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la période d’amnésie a laissé la place, en France, à une phase d’hypermnésie qui s’est traduite par une multiplication de toutes sortes de discours : films, romans, autobiographies… Mais cet engouement ne traduit pas pour autant une connaissance objective et dépassionnée de l’histoire.
Cette hypermnésie nouvelle conduit plutôt à une sorte de fragmentation de la mémoire nationale en France. Différentes mémoires s’opposent, celles des soldats ou des Européens d’Algérie, celles des immigrés ou des harkis. Chacun porte une vision différente des événements, qui donne lieu à des divergences au sujet des dates de commémoration, principalement pour la fin de la guerre. En France, la loi du 6 décembre 2012 a institué une « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc », qui a lieu le jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, le 19 mars 1962, au lendemain de la signature des accords[...]
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Écrit par
- Benjamin STORA : professeur émérite des Universités
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