TRENTE ANS GUERRE DE
Enjeux du conflit : les interventions étrangères
Comme il n'avait pas été réglé par la victoire de l'Empereur sur la révolte de Bohême, le conflit n'a cessé de rebondir à mesure que des intérêts nouveaux – et plus généraux – s'y sont trouvés engagés. Il est certain que les princes protestants redoutaient que l'Empereur n'établît son autorité sur toute l'Allemagne, n'y augmentât son autorité personnelle et n'y imposât le catholicisme. C'est cette considération qui détermina, à partir de 1624, le roi de Danemark Christian IV à intervenir : en effet, déjà maître de la Norvège et des régions méridionales de la Suède, détenteur du détroit du Sund qui donnait accès à la Baltique et prince protestant convoitant des évêchés d'Empire, la victoire impériale eût mis en péril sa puissance. Il essaya donc de chasser de la Basse-Saxe l'armée catholique de Tilly, mais il fut vaincu par l'armée de Wallenstein, avec lequel il dut conclure la paix de Lübeck qui sauvegardait ses États personnels.
La France, où Richelieu était devenu ministre en 1624, ne pouvait que redouter un succès définitif de la maison d'Autriche dans l'Empire, succès qui eût facilité la victoire des Espagnols sur les Provinces-Unies. Il lui fallait donc entretenir la guerre par des alliances avec les adversaires des Habsbourg : les Provinces-Unies et, à partir de 1631, la Suède. Ces alliances protestantes faisaient scandale auprès des catholiques de France, mais elles paraissaient à Richelieu un moindre mal. Il essayait en même temps d'une alliance avec la Bavière catholique. En 1630, à l'assemblée de Ratisbonne, le Père Joseph, conseiller de Richelieu, encouragea la Bavière à demander le licenciement de l'armée de Wallenstein et à refuser l'élection immédiate d'un roi des Romains (empereur désigné), que Ferdinand II espérait pour son fils. Mais l'Empereur avait commis l'erreur de promulguer l' édit de Restitution qui contraignait les protestants à rendre aux catholiques les biens d'Église confisqués depuis la paix d'Augsbourg. Le roi de Suède répondit à l'appel des protestants alarmés. Il obligea les Électeurs de Brandebourg et de Saxe à entrer dans son alliance ; il vainquit Tilly à Breitenfeld (1631). L'essai d'arbitrage de la France avait échoué : les protestants étaient tous regroupés derrière le roi de Suède, les catholiques derrière l'Empereur. C'est alors que celui-ci rappela Wallenstein. Les victoires suédoises, favorisées par les subsides français, inquiétaient Richelieu par l'ampleur des résultats, car la France catholique ne souhaitait pas que l'Allemagne devînt un empire protestant. Les forces françaises, qui occupaient déjà la Lorraine, prirent sous leur protection plusieurs villes d' Alsace, pour que la région ne tombât pas entièrement aux mains des Suédois. En revanche, après la mort de Gustave Adolphe (1632), il était indispensable d'empêcher la débandade des protestants et de maintenir en guerre contre l'Empereur le chancelier Oxenstierna, régent de Suède, et les princes protestants de l'Ouest (ligue d'Heilbronn). Pendant quelques mois, en 1633, Wallenstein, son armée à pied d'œuvre, fut peut-être l'arbitre de la situation. Mais, après lui, son armée, reprise en main par le roi de Hongrie (futur empereur) Ferdinand III, remporta la victoire de Nordlingen sur les Suédois. Aussitôt, les Électeurs se réconcilièrent avec l'Empereur à la paix de Prague (1635), et, contre l'abandon de l'édit de Restitution, lui promirent leur concours pour chasser d'Allemagne les armées étrangères. On assistait à un incontestable réveil d'un patriotisme d'Empire. La France avait intérêt à lui opposer la liberté germanique, à maintenir dans leur résistance les princes[...]
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Écrit par
- Victor-Lucien TAPIÉ : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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