PAYSANS GUERRE DES
Une explosion de révoltes
La guerre présente une foule d'épisodes simultanés mais sans liens positifs ou apparents, dont l'analyse est rendue difficile par suite de l'indigence des sources non engagées, de la partialité des historiens, de l'attraction opérée par certains chefs, apôtres et martyrs, de la diversité régionale enfin.
Multipliés après 1480, les signes précurseurs sont symbolisés par un nom, le Bundschuh (soulier à lacets du paysan, par opposition à la botte du noble). En 1476, Jean de Niklashausen annonce, au nom de Notre-Dame, la suppression des autorités cléricales ou séculières ; en 1493, conduit par un bourgmestre de Sélestat, Ulmann, éclate en Alsace le premier Bundschuh, vite réprimé ; suivent en 1502 ceux de Bruchsal, en 1513 de Lehen dans le Brisgau, le « mouvement du pauvre Konrad » dans le Wurtemberg, en même temps que s'agitent les paysans de Rouffach ; en 1517, ayant à sa tête Joss Fritz, le mouvement intéresse les deux côtés du Rhin. La même année, Luther lance à Wittemberg ses quatre-vingt-quinze thèses sur les indulgences et déclenche un processus irréversible ; à Zwickau en Saxe, Thomas Münzer en 1520 réunit autour de lui compagnons drapiers, mineurs et laboureurs, reprend le rêve millénariste de Joachim de Flore, retrouve à Prague l'enseignement de Jean Huss (Jan Hus) et s'installe à Allstedt. En 1522, les chevaliers Franz de Sickingen et Ulrich de Hutten sont écrasés. Toute l'Allemagne est en effervescence : devant l'alliance du jeune Charles Quint, élu en 1519, avec le pape et les Fugger, se sont évanouis les espoirs d'une réforme venant d'en haut.
Les premières victoires sont suivies de répressions princières. En Forêt-Noire et en Souabe, le mécanisme est exemplaire. Un incident initial, la cueillette des fraises ordonnée par la comtesse de Lupgen, conduit à l'élection d'un chef, Hans Muller, ancien soldat, à l'apparition du drapeau noir, rouge et jaune, et du programme : les douze articles. Le contact est pris avec Waldshut, où domine le prédicant Hübmaier, et avec le duc Ulrich de Wurtemberg, dépossédé de ses États. Entre bourgeois et « rustauds » se crée un conseil évangélique. Fribourg est pris, le soulèvement gagne l'ensemble de la Souabe, les environs d'Ulm. Faisant alterner répression et négociation, Georg von Waldburg, dit Truchsess, apaise la révolte, qui prend fin par le traité de Weingarten (avr. 1525).
En Franconie et dans la vallée du Neckar, les paysans des environs de Nordlingen, du margraviat d'Amspach et du diocèse de Bamberg donnent le signal de la révolte. À Rothenburg, l'insurrection éclate à l'appel du réformateur Andreas Bodenstein dit Karlstadt. Les révolutions municipales enlèvent le pouvoir aux anciens conseils ; les nouveaux magistrats donnent la main aux rustauds. À Weinsberg a lieu un massacre horrible. Le margrave Casimir fait alors appel à Truchsess, qui bat le chevalier Florian Geyer (9 juin) et pénètre dans Wurtzbourg et Bamberg.
En Wurtemberg, où fermente le levain de la révolte du « pauvre Konrad », la troupe de Gaildorf, lequel s'empare de Lorch et du château de Hohenstaufen, rejoint la troupe de l'aubergiste Feuerbacher et négocie avec Ulrich. À Boeblingen et à Sindelfingen, Truchsess est victorieux. Goetz von Berlichingen, chef des rustauds, se rallie ; les agitateurs Hipler et Metzler sont défaits à Koenigshoffen.
En Hesse, Thuringe et Saxe, la révolte éclate à l'appel de Thomas Münzer ; celui-ci fait de Mulhausen (en Thuringe) le centre de la révolte qui rayonne sur la Saxe occidentale, l'Eichsfeld, le Harz et la Franconie. Il a rompu avec Luther, avec les princes de Saxe. À Frankenhausen (15 mai 1525), son armée est détruite par celle des princes.
Dans l'archevêché de Salzbourg et les États héréditaires d'[...]
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Écrit par
- Georges LIVET : doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Strasbourg
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