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GUERRE FROIDE

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La création des blocs

Le plan Marshall

De plus en plus persuadé que le gouvernement soviétique « était froidement résolu à exploiter l'état où se trouvait une Europe sans défense pour propager le communisme », le nouveau secrétaire d'État américain, George Marshall, annonça le 5 juin 1947 l'intention de son gouvernement de fournir une aide économique importante aux pays européens, à charge pour ceux-ci de s'entendre au préalable sur l'étendue de leurs besoins et la répartition des crédits qui leur seraient ouverts. Les pays de l'Est et l'URSS elle-même furent invités à une conférence tenue à Paris à cet effet. Mais le Kremlin déclencha une offensive à boulets rouges contre le projet, forçant la Pologne et la Tchécoslovaquie à revenir sur l'acceptation de principe qu'elles avaient commencé par donner.

Jdanov, alter ego politique de Staline - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Jdanov, alter ego politique de Staline

Il accentue sa mainmise sur les pays d'Europe orientale libérés par l'Armée rouge et que, malgré la signature, en 1946, de traités de paix avec les satellites du Reich, il n'a commencé d'évacuer qu'en 1990. Les communistes prennent le pouvoir à Budapest tandis qu'à Sofia on apprend la pendaison du leader agrarien Ivan Petkov, l'un des héros de la résistance antiallemande. Le 5 octobre est créé un bureau d'information des Partis communistes, le Kominform, destiné à remplacer l'Internationale communiste, dissoute en 1943, au plus fort de la collaboration interalliée contre l'Axe. Le délégué soviétique Andreï Jdanov fait approuver par les participants à la réunion constitutive la thèse selon laquelle le monde est désormais divisé en deux camps, « l'impérialisme qui prépare la guerre contre l'URSS et celle-ci, avec les pays pacifiques qui lui sont alliés ». Des grèves violentes éclatent dans les pays d'Europe occidentale où les communistes ont été partout chassés du gouvernement. Les troubles révolutionnaires, latents dans le Sud-Est asiatique depuis la capitulation du Japon, s'intensifient rapidement.

Le « coup de Prague » et le pacte atlantique

Un événement dramatique, au début de 1948, fait monter la tension à son comble. Encouragés par la chute de la popularité des communistes, qui partageaient le pouvoir avec eux depuis la Libération, les partis « bourgeois » tchécoslovaques essayent de desserrer le contrôle que l'extrême gauche exerce sur la police. Mais ils perdent la partie, et, le 25 février, le président Edvard Beneš se résigne à mettre en place un gouvernement communiste homogène. Le « coup de Prague », qui fait croire qu'une nouvelle guerre mondiale est inévitable, répand un début de panique. Le 17 mars, la Grande-Bretagne, la France et les pays du Benelux concluent un traité d'assistance mutuelle : c'est le premier de l'après-guerre qui soit dirigé non pas contre l'Allemagne, mais « contre tout agresseur », ce qui était une façon de désigner l'URSS Déjà des pourparlers étaient engagés avec les États-Unis pour conclure le « pacte atlantique » (traité de l'Atlantique Nord) qui sera signé le 4 avril 1949 et rapidement ratifié par ses douze signataires, malgré l'opposition violente de l'URSS, des communistes, des « neutralistes » européens et des isolationnistes américains.

L'aboutissement des négociations, qui remettaient en cause les traditions séculaires de la diplomatie américaine, avait été grandement facilité par deux événements de première importance : la rupture soviéto-yougoslave et le blocus de Berlin.

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Le 28 juin 1948, le Kominform proclamait, à la surprise générale, que le maréchal Tito et son parti, par leur ligne « fausse, révisionniste, et leur politique de diffamation envers l'URSS (s'étaient) mis en dehors de la famille communiste ». Ainsi éclatait au grand jour un conflit qui remontait en fait à l'époque de la guerre et résultait du refus du maréchal yougoslave de se faire purement et simplement l'exécutant des volontés soviétiques. Des campagnes d'une violence inouïe furent déclenchées contre Tito, que Moscou chercha à renverser de l'intérieur. Mais très vite la Yougoslavie obtint le soutien du monde occidental, allant jusqu'à conclure un pacte défensif avec la Turquie et la Grèce, en 1954, après leur adhésion au pacte atlantique. La rupture fut le signe d'une gigantesque épuration dans les pays demeurés fidèles à l'URSS. Soupçonnés de « titisme », des chefs communistes de premier plan furent envoyés à la potence.

Quant au blocus de Berlin, il avait marqué le couronnement d'une série de mesures prises par les Soviétiques pour gêner les communications des Occidentaux avec leurs secteurs et ainsi, sans doute, les forcer à les abandonner. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ayant, le 18 juin 1948, promulgué une réforme monétaire dans leurs zones, faute d'avoir pu s'entendre avec Moscou sur les moyens de mettre fin à l'inflation généralisée, voulurent étendre ses dispositions à Berlin-Ouest. Staline répliqua en bloquant tous les accès terrestres et fluviaux. Washington improvisa en hâte un pont aérien qui, contrairement à toute attente, réussit à maintenir la ville en activité.

Les Soviétiques n'osèrent pas intercepter les avions alliés. Un peu moins d'un an plus tard, le 12 mai 1949, soit six semaines après la signature du pacte atlantique, le blocus était levé en échange de la convocation d'une conférence à quatre. Celle-ci devait se séparer quelques semaines plus tard sans avoir pu se mettre seulement d'accord sur son ordre du jour.

Victoire communiste en Chine

Personne à l'époque n'aurait osé prophétiser que le statu quo en Europe ne serait pratiquement pas modifié pendant quarante ans. Très vite, cependant, il devient évident que le théâtre principal de la guerre froide s'est transporté en Asie. C'est qu'un événement de première importance vient de s'y produire : la prise du pouvoir par les communistes en Chine au terme d'une guerre civile de plus de vingt ans.

L'aide donnée par l'URSS à Mao a été pendant toute cette période fort modeste, surtout si on la compare à l'assistance massive des États-Unis à Tchiang Kai-chek. Staline ne souhaitait pas la victoire des communistes, pensant probablement qu'il aurait quelque peine à maintenir son autorité sur eux. Mais, dans le climat de tension créé par le « coup de Prague » et le blocus de Berlin, il était fatal que la proclamation, le 1er octobre 1949, de la république populaire de Chine apparût aux Américains comme un nouveau coup de boutoir de la révolution mondiale. Fatal aussi que les mouvements communistes ou communisants d'Asie s'en trouvassent considérablement encouragés.

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C'est le cas notamment de l' Indochine où les tentatives de la France de reprendre pied, après la défaite nippone, s'étaient heurtées au Viêt-minh, mouvement remarquablement organisé par Hô Chi Minh, vieux militant du Komintern. L'arrivée des troupes communistes chinoises à la frontière du Tonkin, dont le corps expéditionnaire français ne parvient pas à conserver le contrôle, ouvre au Viêt-minh un « sanctuaire » où s'approvisionner en matériel et faire reposer ses troupes. Du coup, alors qu'ils avaient fait tout leur possible en 1945 pour empêcher les forces françaises de regagner l'Indochine, les Américains se mettent à considérer cette guerre comme un des éléments du combat planétaire du « monde libre » contre le communisme, et ils fournissent à Paris une aide en crédits et en matériel de plus en plus considérable.

La guerre de Corée

Guerre de Corée, 1950-1953 - crédits : National Archives

Guerre de Corée, 1950-1953

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L'invasion de la Corée du Sud par les troupes du gouvernement communiste du Nord (25 juin 1950) renforce encore leur détermination. Les déclarations faites quelques mois plus tôt par le secrétaire d'État américain Dean Acheson, selon lesquelles la Corée du Sud « n'appartenait pas au périmètre de défense des États-Unis », ne pouvaient pas être passées inaperçues à Moscou qui avait certainement donné son feu vert à l'opération. Compte tenu de l'impopularité du régime installé à Séoul par Syngman Rhee, Staline pensait peut-être obtenir là un succès à bon compte, de nature à faire oublier ses échecs en Grèce et à Berlin. Mais Truman envoie des troupes en Corée sous le pavillon des Nations unies, dont l'approbation a été sollicitée in extremis. Après une série de revers, elles remontent jusqu'aux abords de la frontière mandchoue, ce qui entraîne l'intervention de « volontaires » chinois. C'est alors aux soldats de l'ONU de battre en retraite. Un débat dramatique s'engage entre le commandant en chef Douglas MacArthur, partisan de bombarder la Mandchourie en employant au besoin l'arme atomique, et Truman qui redoute une guerre mondiale et finalement le destitue. Bientôt le front se stabilise autour de l'ancienne ligne de démarcation et des pourparlers d'armistice s'ouvrent à Kaesong (juill. 1951) ; mais ils conduisent vite à une impasse complète. Il ne faut rien de moins que la mort de Staline pour que les combats s'arrêtent.

Le réarmement de l'Allemagne

Entre-temps, la guerre de Corée aura poussé les États-Unis à réclamer le réarmement de la république fédérale d'Allemagne, contrairement aux dispositions les plus formelles des accords de Potsdam comme aux engagements pris au moment de la signature du pacte atlantique. Ils justifient ce reniement par la nécessité de recruter assez de soldats pour faire face à une éventuelle répétition en Europe de la guerre de Corée. Il s'y ajoute que l'URSS a essayé en 1949 sa première bombe atomique, et que Washington est en passe de perdre l'avantage énorme que lui donnait son monopole dans ce domaine.

Opposé au réarmement de l'Allemagne, mais soumis à une forte pression de ses alliés, le gouvernement de Paris, alors présidé par René Pleven, essaye d'en limiter la portée, et en même temps de le faire contribuer au progrès de la « construction européenne ». Depuis juin 1950, un « pool charbon-acier » unit la France, l'Allemagne, l'Italie et les pays du Benelux. Il s'agit d'appliquer la même méthode aux problèmes de défense, et ainsi de se diriger vers une fédération européenne capable d'arracher l'Allemagne aux tentations de la revanche et de rendre à l'Europe une place de premier plan dans les affaires du monde. L'URSS déclenche une violente action de propagande contre le projet, qui se heurte en France même à une vive opposition. Dans les pays de l'Est, où tout paraît dirigé vers la préparation à la guerre, l'épuration prend des proportions dramatiques.

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Navire américain pendant la guerre de Corée - crédits : Central Press/ Archive Photos/ Getty Images

Navire américain pendant la guerre de Corée

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Guérilla vietcong

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