GUERRE FROIDE
Le temps des crises
L'affaire de Suez
Bien que l'URSS se fût passablement intéressée au Moyen-Orient pendant la guerre, elle s'y était peu manifestée par la suite, se contentant d'être la première, en 1948, à reconnaître de facto l'État d'Israël, qu'elle aida discrètement à venir à bout de ses ennemis arabes. Staline pensait ainsi faire échec à l'« impérialisme » britannique, dont la Ligue arabe pouvait paraître l'instrument. Mais très vite il s'avéra que l'État juif n'avait aucune intention de s'inspirer de la ligne soviétique. À l'ONU, le Kremlin donna bien un appui de principe aux mouvements d'indépendance nationale, notamment au docteur Mossadegh qui, en 1951, nationalisa les pétroles iraniens ; mais lorsque celui-ci fut renversé par la CIA, en août 1953, il ne leva pas le petit doigt.
D'une manière générale, les Occidentaux vivaient dans l'illusion que le Moyen-Orient était pour eux une chasse gardée, comme en témoignent leur déclaration tripartie de 1950, destinée à garantir le statu quo dans cette région, de même que les efforts de Foster Dulles pour enrôler les pays arabes dans un « pacte de Bagdad » destiné à compléter le réseau d'alliances « contenant » l'URSS.
À partir de 1955, cependant, et de la conférence de Bandung qui marque la prise de conscience du Tiers Monde, la diplomatie soviétique se rend compte des possibilités d'action qui lui sont ouvertes dans les pays sous-développés, et plus spécialement dans le monde arabe. En septembre, la Tchécoslovaquie conclut avec l' Égypte un accord de livraison d'armes qui provoque la plus vive inquiétude à Tel-Aviv. Quelques mois plus tard, le refus de Washington de participer au financement du barrage d'Assouan, indispensable au développement de l'économie égyptienne, amène Gamal Abdel Nasser à décider, en représailles, la nationalisation du canal de Suez (juill. 1956). La Grande-Bretagne ressent la décision comme une menace directe pour ses approvisionnements en pétrole, tandis qu'en France le gouvernement Guy Mollet, aux prises avec la guerre d'Algérie, pense qu'en renversant le régime du Caire, dont l'appui à la rébellion est avéré, il porterait à celle-ci un coup décisif. Israël, de son côté, sentant se développer le potentiel arabe, est tenté par une guerre préventive. C'est ainsi que naît l'idée d'une expédition commune. Le 29 octobre, l'armée israélienne envahit le Sinaï, et quelques jours plus tard un corps expéditionnaire franco-britannique débarque à Port-Saïd.
La révolte hongroise
Au moment où débutent les hostilités, des événements dramatiques se produisent en Europe centrale. Khrouchtchev a, quelques mois plus tôt, devant le xxe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, prononcé contre les crimes de Staline un véhément réquisitoire qui, en Pologne et en Hongrie, encourage les éléments désireux d'en finir avec la terreur. Si, à Varsovie, Wladyslaw Gomulka réussit à imposer à Khrouchtchev un modus vivendi qui donne satisfaction à la population, il n'en va pas de même à Budapest où l'agitation tourne vite à la contre-révolution, entraînant le 4 novembre 1956 l'intervention des blindés soviétiques, qui écrasent durement l'insurrection.
Les deux affaires, de Suez et de Hongrie, provoquent un vif regain de la tension internationale ; l'ONU est le théâtre de débats passionnés et Moscou accable l'Occident de mises en demeure. Sa pression concorde avec celle des États-Unis, hostiles à tout recours à la force au Moyen-Orient, pour contraindre les troupes françaises, britanniques et israéliennes à se retirer d'Égypte. Des « casques bleus » mandatés par l'ONU sont chargés de surveiller la ligne de démarcation. En revanche, les forces russes demeurent[...]
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Écrit par
- André FONTAINE
: ancien directeur du journal
Le Monde
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