GUERRE FROIDE
La réunification
L'invasion, en décembre 1979, de l'Afghanistan – révolté contre ses maîtres communistes –, par les troupes soviétiques, intervenant ainsi pour la première fois depuis 1945 hors de la zone d'influence tacitement reconnue à Moscou, devait porter l'inquiétude du monde occidental à son comble. Cette inquiétude, jointe au sentiment d'humiliation ressenti, après tant d'échecs, par le peuple américain, a largement contribué à l'élection, à la tête des États-Unis, en la personne de Ronald Reagan, d'un homme déterminé à rétablir leur image dans le monde et à s'opposer aux empiétements de l'adversaire.
Sa première décision a été de renforcer considérablement le budget militaire de son pays, espérant que les grandes difficultés économiques que connaissait l'URSS l'obligeraient à jeter du lest. Une dure bataille diplomatique s'est vite engagée dont l'enjeu, une fois de plus, était l' Allemagne et l'objet l'installation, sur son sol et sur celui d'autres pays du continent, de plusieurs centaines de fusées américaines à moyenne portée destinées à équilibrer la menace découlant du déploiement de quelque deux cent cinquante SS-20 soviétiques pointés sur l'Europe occidentale. L'URSS et les mouvements pacifistes et neutralistes s'y opposent avec vigueur.
Outre le fait qu'elle constitue un enjeu, l'Allemagne se trouve également en position d'arbitre en attendant sans s'en douter de devenir le vrai vainqueur de cette partie de bras de fer. Le 22 novembre 1983, le Bundestag, qui a été fortement encouragé dans ce sens par François Mitterrand, donne son aval à la mise en place des Pershing II. Le Kremlin, qui ne s'attendait pas à ce résultat, multiplie les menaces. On croit revenus les pires moments de la guerre froide. On en vit, en réalité, les derniers soubresauts.
En mars 1985, la gérontocratie soviétique, durement frappée par la mort, à peu de distance, de Brejnev et de ses successeurs Andropov et Chernenko, se décide à donner le pouvoir à Mikhaïl Gorbatchev qui, à cinquante-quatre ans, fait figure de jeune homme. Très vite, il se montre déterminé à tirer les leçons du marasme où la course aux armements et à l'espace, l'engagement outre-mer et l'inertie propre à la bureaucratie ont plongé le pays. À l'intérieur, ce sera la perestroïka (reconstruction) et la glasnost (transparence) ; à l'extérieur, une nouvelle détente, d'autant plus nécessaire que Reagan, inspiré par ses souvenirs de Hollywood, s'est maintenant mis en tête de se préparer à une apocalyptique « guerre des étoiles » à laquelle Moscou est hors d'état de faire face.
La catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le 25 avril 1986, accélère le mouvement, dans la mesure où elle met brutalement en évidence l'impéritie générale et la nécessité de faire appel, pour limiter les dégâts, à l'aide étrangère. Dès le 8 décembre 1987, Mikhaïl Gorbatchev signe avec Reagan, à Washington, un traité éliminant tous les « euromissiles » de l'Est comme de l'Ouest : c'est « l'option zéro » que Moscou n'avait cessé de rejeter avec hauteur. Bientôt, les deux Supergrands s'entendront pour détruire, sous contrôle, une partie de leurs armements stratégiques. Et le numéro un soviétique déclarera, à l'automne de 1988, devant l'Assemblée générale des Nations unies, que « l'idéologie doit être exclue des relations entre États », celles-ci devant être désormais « guidées par la primauté des valeurs universelles ». Il est difficile de renvoyer plus nettement au musée de l'histoire le célèbre mot d'ordre de Lénine qui avait été pendant trois quarts de siècle celui du mouvement communiste universel : « ce sera eux,[...]
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Écrit par
- André FONTAINE
: ancien directeur du journal
Le Monde
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