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GUERRE MONDIALE (PREMIÈRE) La santé aux armées

Maladies : les fléaux sociaux

Ce n’est pas des grandes épidémies de guerre que vient la principale menace pour la santé des troupes, mais des deux « fléaux sociaux » familiers à la société française du début du xxe siècle, tuberculose et syphilis. À partir de 1916, les services de santé se montrent très alarmistes devant l’explosion de ces deux pathologies qui n’étaient pas au rang des priorités de 1914, mais que l’enlisement du conflit dans la durée fait percevoir comme des menaces pour la santé du contingent, et au-delà pour l’avenir de la nation. Si les autorités sanitaires pensent que la guerre révèle, plus qu’elle ne crée, une épidémie dont les racines seraient à chercher dans la vulnérabilité de la société accrue par le conflit, la recrudescence tuberculeuse soulève cependant nombre de questions sur le risque lié à la récupération extensive des effectifs, le devenir social des réformés, leur reconnaissance économique. La tuberculose de guerre donne l’impulsion à une politique de lutte concertée contre le fléau, jusqu’alors embryonnaire en France. Y entrent en jeu le soutien de la philanthropie américaine, par l’intervention active de la Fondation Rockefeller à partir de 1917, et l’institutionnalisation de dispositifs sanitaires – hospitalisation en sanatorium, éducation sanitaire des malades – qui accèdent à une reconnaissance légale et se voient accorder des moyens.

La syphilis était un élément classique de la pathologie du soldat. Sa fréquence accrue donne une acuité nouvelle aux représentations angoissantes qui lui sont traditionnellement associées et dont les enjeux pour la communauté nationale sont exacerbés par le conflit. La « syphilis de la guerre », ainsi que la désigne Georges Thibierge, organisateur de la lutte antivénérienne, « entrave la défense du pays, compromet la vitalité de la nation, la vigueur de la race et la repopulation de la France ». Justin Godart proclame la syphilis danger public au début 1916. Un débat s’engage sur les formes que doit prendre la lutte antivénérienne : éducative, à la française, sous la forme d’une vaste entreprise de persuasion qui doit emprunter le vecteur privilégié des médecins, ou bien coercitive, à l’américaine, avec les prophylactic stations qui misent sur la responsabilisation individuelle du soldat, sous la menace de sanctions disciplinaires. La fin de la guerre laisse ouvert ce débat sur la possibilité de peser sur les comportements des soldats, et sur l’efficacité de la propagande sanitaire qui devient un objectif de première importance dans la lutte contre les maladies sociales.

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Écrit par

  • : professeure d'histoire de la médecine et de la santé à l'université de Strasbourg

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Média

Flotte d’ambulances aux Invalides en 1915 - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Flotte d’ambulances aux Invalides en 1915