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GUERRE MONDIALE (PREMIÈRE) Mutineries et désobéissances collectives

Des mutineries d’intensité croissante

Alors que les désobéissances individuelles et collectives sont éparses et discrètes dans les deux premières années du conflit, on observe à partir de l’hiver 1916-1917 une montée de l’indiscipline dans toutes les armées et sous toutes ses formes. Il faut relier cette hausse des séditions, désertions et protestations aux impasses militaires – après les batailles de Verdun, de la Somme et l’offensive Broussilov (pertes humaines gigantesques sans résultats significatifs sur le terrain, lassitude profonde des combattants) – ainsi qu'au contexte volatil qui affecte les sociétés belligérantes, touchées par l’inflation, les pénuries, la recrudescence des conflits sociaux et la réapparition du pacifisme (conférences de Zimmerwald en 1915 et de Kienthal en 1916).

Cette dernière donnée inquiète fortement les dirigeants politiques et les chefs militaires, dont beaucoup craignaient à la veille du conflit la grève générale ou la dissidence du monde ouvrier. Ils tendent donc à interpréter les mutineries qui surviennent dans la seconde partie de la guerre comme des actions organisées ou fomentées par l’extrême gauche pacifiste, voire par des agents à la solde de l’ennemi.

Révolution russe, mutineries italiennes

La réalité est plus complexe, comme le montrent les mutineries d’ampleur survenues dans les armées russe, italienne et française ainsi que dans la marine allemande en 1917. L’armée russe est affectée dès la fin de 1916 par une vague de mutineries proches du front. Leur généralisation est liée au basculement révolutionnaire parti de Petrograd en mars 1917 (février dans le calendrier julien), lui-même permis par la désobéissance collective de la garnison refusant de réprimer les manifestations. Dans ces mutineries, qui se poursuivent de façon sporadique jusqu’à la paix signée à Brest-Litovsk en mars 1918, se conjuguent deux facteurs principaux : la volonté d’une masse de soldats-paysans d’en finir avec la guerre afin de participer, à l’arrière, au partage agraire tant attendu ; la forte politisation libérale ou socialiste de nombreux jeunes officiers que l’abolition des grades et de la hiérarchie militaire porte à la tête de certaines unités. Ces faits trouvent un écho au sein du corps expéditionnaire russe en France, dont les seize mille hommes jugés non fiables par les autorités sont éloignés du front et envoyés au camp de La Courtine (Creuse) à l’été de 1917, où leur brève révolte sera écrasée dans le sang mi-septembre.

L’exemple russe est connu et discuté dans les autres armées même si elles ne connaissent pas une effervescence aussi lourde de conséquences. L’armée italienne, où le général en chef Luigi Cadorna a institué des relations disciplinaires d’une grande brutalité depuis l’entrée en guerre de 1915, connaît deux épisodes significatifs de mutineries en 1917. En mars, le 38e régiment de la brigade Ravenne refuse de remonter en ligne près de Gorizia, dans une protestation virulente (coups de feu en l’air). Des actes similaires se reproduisent en mai et surtout en juillet, où les 141e et 142e régiments de la brigade Catanzaro se révoltent violemment, là encore en raison d’un ordre les dirigeant vers le front en dépit d’un repos très insuffisant. Les échanges de tirs avec leurs officiers font au moins une quinzaine de morts, tandis que des slogans ouvertement politisés (« Vive l’anarchie », « Vive la Russie », « À bas la guerre ») se font entendre.

Les mutineries françaises du printemps 1917

<em>La Grogne 1914-19..</em>, Léon Henri Ruffe - crédits : Collection Bibliothèque de documentation internationale contemporaine

La Grogne 1914-19.., Léon Henri Ruffe

La France connaît à son tour une importante vague de mutineries au printemps de 1917, avec plus d’une centaine d’incidents, affectant les deux tiers des divisions d’infanterie, principalement fin mai-début juin, essentiellement dans l’Aisne et dans la Marne. Ces faits longtemps discutés sont désormais bien connus par une série[...]

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Écrit par

  • : agrégé, docteur en histoire, professeur en classes préparatoires

Classification

Médias

<em>La Grogne 1914-19..</em>, Léon Henri Ruffe - crédits : Collection Bibliothèque de documentation internationale contemporaine

La Grogne 1914-19.., Léon Henri Ruffe

Mutineries à Kiel, 1918 - crédits : Gustav Noske/ AKG-images

Mutineries à Kiel, 1918