GUERRE MONDIALE (PREMIÈRE)
L'arsenal de guerre
Les armes militaires
Appliqué au point fort ou au point faible de l'ennemi, le style direct avait échoué. Chaque fois, la guerre nouvelle s'était immobilisée, ruinant les plans des stratèges et l'enseignement des tacticiens. Il est vrai que les chefs militaires, souvent en retard d'une guerre, refusaient d'admettre que les tranchées constituaient la réalité nouvelle à laquelle ils devaient s'adapter. Les Allemands s'y résolurent les premiers, pas leurs adversaires : les combattants alliés durent attendre près de dix-huit mois pour que le commandement envisage sérieusement le problème des barbelés : il ordonnait de les couper avec des pinces. Les récalcitrants étaient accusés de lâcheté. Sous le feu de l'ennemi, ces ordres absurdes causèrent des ravages, tout comme ces armes nouvelles contre lesquelles les soldats étaient mal protégés : les mines souterraines, et aussi les menaces venues du ciel, les terribles explosions de Minenwerfer. En 1915, les Français trouvèrent la réplique avec l'« enfant chéri » des tranchées, le crapouillot qui, lui aussi, pouvait tirer court, et à la verticale. En outre, lance-flammes et grenades donnèrent un tour particulièrement cruel aux combats. Mais l'arme la plus redoutée fut le gaz asphyxiant, employé la première fois par les Allemands, le 22 avril 1915, à Langemarck. L'effet fut immédiat et foudroyant. Mais jamais les Allemands ni les Alliés, qui l'essayèrent à leur tour, ne procédèrent à une utilisation systématique. Contrôlant mal le mouvement des vents, les uns et les autres avaient peur que les nappes ne se retournassent, et les soldats n'étaient pas équipés pour occuper les zones infectées. Aussi, l'emploi des gaz ne permit jamais de remporter plus qu'un succès local. Ainsi, pour emporter les tranchées et mettre fin à cette forme de guerre, il fallut attendre une arme entièrement nouvelle et qui apparut plus tard, le char d'assaut.
Les autres perfectionnements dans l'art de la guerre furent également incapables d'emporter la décision. En 1914, Austro-Allemands et Russes disposaient de la meilleure artillerie. Mais bientôt, ils ne purent l'alimenter en munitions. De leur côté, Anglais et Français réussirent à rattraper l'avance des Allemands en artillerie lourde en juillet 1916. Jusqu'à cette date, ils utilisèrent surtout l'artillerie de campagne, le canon de 75 fut considéré comme l'arme à tout faire de l'armée française ; il cisaillait même les barbelés. Autre engin, l'aéroplane qui servit d'abord à surveiller la marche de l'ennemi. Bientôt, il eut pour mission de se rendre maître d'un espace aérien, de connaître le dispositif à terre de l'adversaire. Ce fut l'époque des grands duels entre « as » : l'Allemand Richthofen, les Français Fonck et Guynemer, l'Anglais Mannock, le Canadien Bishop... Allemands et Français puis Américains organisèrent également des raids à effet psychologique, mais ce furent surtout les dirigeables Zeppelin qui se chargèrent de cette mission, bombardant fréquemment Paris et Londres.
Ainsi, sans être encore aussi présente à l'arrière qu'au front, la guerre prenait des aspects nouveaux, liés souvent aux progrès des techniques. Toutefois, l'expérience de la guerre sous-marine mise à part, le commandement militaire n'intégra jamais la science des inventeurs à sa stratégie. La guerre demeurait une partie entre militaires, avec ses vieilles règles, son code de l'honneur. L'arrière devait fournir les hommes, les armes, se mettre au service de l'armée et se taire. De fait, en Allemagne, Hindenburg et Ludendorff imposèrent leur loi au chancelier Bethmann-Hollweg. Mais inversement, en France et en Grande-Bretagne, les parlementaires et les hommes politiques réussirent à prendre la conduite de[...]
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Écrit par
- Marc FERRO : docteur en histoire, docteur ès lettres, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, codirecteur des Annales
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