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RELIGION GUERRES DE

En France, on appelle d'ordinaire « guerres de religion » les conflits armés qui opposèrent, dans le royaume, catholiques et calvinistes entre 1562 et 1598. La perspective historique impliquée par cette géographie et par cette chronologie est à tous égards trop étroite. En effet la lutte armée entre chrétiens fidèles à Rome et réformés reprit en France après la mort d'Henri IV. C'est donc à la paix d'Alès (1629), et non à l'édit de Nantes (1598), qu'il faut situer le terme des affrontements militaires entre partisans des deux confessions à une échelle, sinon nationale, du moins multiprovinciale. Ce faisant, on ne tient d'ailleurs pas compte de la révolte des Camisards (1702-1710) ni de l'expédition que Louis XIV dut, en pleine guerre de Succession d'Espagne, diriger contre eux. D'autre part, la France n'est pas le seul pays d'Europe à avoir connu des « guerres de religion » au xvie et au xviie siècle. Celles-ci éclatèrent également en Allemagne, aux Pays-Bas, en Bohême. L'hostilité religieuse explique aussi l'attitude féroce de Cromwell à l'égard de l'Irlande. Enfin, pourquoi réserver l'expression « guerres de religion » aux seuls conflits armés entre catholiques et protestants ? Sans sortir des limites du monde chrétien occidental, il est certain que la croisade contre les albigeois (à partir de 1209) et celle contre les hussites (1419-1436) furent des guerres de religion au même titre que celles qui opposèrent ensuite les chrétiens qui se réclamaient de Rome à ceux qui avaient fait sécession. Les premières expliquent les secondes. La chrétienté occidentale, lorsqu'elle se divisait contre elle-même sur des questions de foi et de discipline religieuse, avait pris l'habitude, dès avant le xvie siècle, de recourir aux armes. Elle n'évolua ensuite que lentement, à travers crises, massacres et guerres épuisantes, vers la notion de tolérance. Longtemps, aimer sa religion signifia détester celle d'autrui.

Luttes politiques et fanatisme religieux

La violence des luttes suscitées aux xvie et xviie siècles par les désaccords religieux ne peut faire oublier que des ambitions politiques doublèrent souvent les desseins confessionnels. Si l'Invincible Armada (1588) avait été victorieuse d'Élisabeth, non seulement le catholicisme aurait été restauré outre-Manche, mais la concurrence maritime et coloniale d'un pays que l'Espagne commençait à redouter aurait été, pour un temps au moins, éliminée. Si Ferdinand II avait été vainqueur en Allemagne, comme il l'avait été en Bohême (1620), le protestantisme aurait sans doute été balayé de l'Empire ; mais en outre ce dernier aurait probablement acquis une plus forte cohérence politique au bénéfice des Habsbourg. Lorsque Catherine de Médicis organisa avec les Guises le massacre de la Saint-Barthélemy, ne songeait-elle pas davantage à son autorité compromise qu'aux intérêts du catholicisme ?

Comme toute action militaire, même motivée par des raisons confessionnelles, débouche sur des choix politiques, l'histoire des guerres de religion est remplie d'alliances contre nature. En France, Henri III, qui entendait rester fidèle à Rome, fit néanmoins assassiner les Guises, chefs du parti ultra-catholique, et s'appuya finalement sur un relaps – le roi de Navarre (plus tard Henri IV). En Allemagne, le luthérien Maurice de Saxe lutta un moment à côté de Charles Quint contre les autres princes protestants de l'Empire. De même Jean-Georges de Saxe, luthérien lui aussi, prit d'abord parti contre l'Électeur palatin, Frédéric V, un calviniste que les Tchèques avaient couronné roi de Bohême en 1619. Henri II, qui persécuta les protestants de France, et Richelieu, qui les vainquit, soutinrent ceux d'Allemagne contre les Habsbourg.[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut

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Saint-Barthélemy, 24 août 1572 - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Age Fotostock

Saint-Barthélemy, 24 août 1572

Gustave II Adolphe de Suède - crédits : Fine Art Images /Heritage Images/ Getty Images

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