APOLLINAIRE GUILLAUME (1880-1918)
Venu à la littérature alors que s'achevait le symbolisme, mort à la veille de l'arrivée de Dada à Paris et de la naissance du surréalisme, sensible à toutes les formes de la nouveauté sans pour autant repousser la tradition, tendant une main à Verlaine et l'autre à Breton, Apollinaire illustre la mutation qui s'est opérée dans la poésie française entre 1900 et 1920.
D'autre part, curieux des choses de l'art, ami de nombreux peintres, il a été un des témoins les mieux placés et les plus attentifs de la révolution picturale qui, commencée avec le fauvisme, s'affirme dans le cubisme et porte en germe les développements de la peinture non figurative.
Il a été poète et critique d'art, mais aussi conteur, essayiste, chroniqueur ; par son œuvre comme par sa personnalité, il se place au carrefour des principales tendances esthétiques qui traversent le xxe siècle.
L'homme
Guillaume Apollinaris de Kostrowitzky est né à Rome le 26 août 1880. Il est le fils d'une Polonaise de vingt-deux ans, dont le père était devenu camérier du pape après une existence mouvementée, et d'un inconnu, sans doute un ancien officier du royaume des Deux-Siciles nommé Francesco Flugi d'Aspermont.
La jeunesse
Son enfance et son adolescence ont pour décor l'Italie, puis la Côte d'Azur et Monaco, où il réside de 1886 à 1898 avec sa mère et son frère, né deux ans après lui.
En 1899, il est à Paris avec sa famille : existence difficile, qui ne l'empêche pas d'écrire et de fréquenter les bibliothèques. L'été de 1899 le conduit pendant quelques semaines avec son frère à Stavelot, dans les Ardennes belges : le jeune poète découvre là un paysage et un folklore dont la trace se perpétuera dans son œuvre ; il y éprouve aussi une déception sentimentale dans laquelle on peut voir sa première expérience amère de « mal-aimé ».
En août 1901, il part pour la Rhénanie comme précepteur. Il passera en Allemagne une année décisive dans l'élaboration de son univers mental comme dans sa vie amoureuse. Il est séduit par le pittoresque de la vallée du Rhin et de la région avoisinante, qu'il parcourt en tous sens. Il fait aussi, à la fin de l'hiver et au printemps de 1902, un long voyage à travers l'Allemagne et l'Europe centrale, s'arrêtant notamment à Berlin, Prague, Vienne et Munich. D'autre part, épris de la gouvernante anglaise de son élève, Annie Playden, il se voit éconduit par la jeune fille après avoir espéré lui faire partager son amour : c'est profondément désemparé qu'il rentre en France à la fin d'août 1902.
Pendant cette année, il n'a pas seulement vécu intensément. Il a écrit de nombreux poèmes, des contes, des chroniques, s'est nourri d'images et de sujets qui ne le quitteront pas. C'est pendant cette année aussi que paraît dans La Revue blanche de mars 1902 son premier conte, « L'Hérésiarque », signé du pseudonyme qu'il s'est forgé depuis longtemps déjà avec deux de ses prénoms : Guillaume Apollinaire.
La vie littéraire
De retour à Paris, employé de banque, Apollinaire fréquente certains milieux littéraires, La Revue blanche, les soirées de La Plume, bientôt le Mercure de France. Il se lie avec Jarry, Max Jacob, André Salmon débutant comme lui. Avec ce dernier et quelques amis, il fonde Le Festin d'Ésope, qui paraîtra de novembre 1903 à août 1904. Il connaît aussi des peintres : Derain et Vlaminck qu'il rencontre en 1904, Picasso l'année suivante.
À deux reprises, en novembre 1903 et en mai 1904, il se rend à Londres pour tenter de reconquérir Annie, mais en vain. Elle finira par partir pour l'Amérique, rompant définitivement toute relation avec lui, tandis qu'il se révolte contre un refus qu'il considère comme une trahison. Son désespoir s'exprimera dans « La Chanson[...]
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Écrit par
- Michel DECAUDIN : professeur de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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