BUDÉ GUILLAUME (1468-1540)
La défense des études
Il est significatif que le De asse paraisse à l'aube du règne de François Ier. Aux dernières lignes du livre, Budé, qui avait acquis au temps de Charles VIII le titre de secrétaire du roi, mais qui sous Louis XII (malgré deux courtes ambassades en Italie) s'était tenu à l'écart de la cour, manifeste qu'il est disposé à servir un jeune roi qui promet d'offrir enfin sa chance à l'espérance humaniste. Cette espérance parut se concrétiser lorsque, dans l'entourage du roi, se forma le projet de fonder à Paris un collège trilingue et d'appeler à sa tête Érasme qui était alors au sommet de sa gloire. Des négociations furent entreprises par l'évêque de Paris, Étienne Poncher, cousin de Guillaume Budé ; on sait qu'Érasme ne répondit que par des atermoiements. Budé de son côté, par une lettre du 2 février 1517, s'entremit vainement. Il correspondait en effet avec le Rotterdamois depuis un an environ ; de cet échange, c'est Érasme qui avait pris l'initiative, « applaudissant à la gloire et admirant l'érudition » du savant parisien. Commencée dans un enthousiasme réciproque, cette correspondance sera vite traversée de malentendus et d'aigreurs et s'espacera jusqu'à ce que Budé, à deux reprises, et définitivement en 1527, décide de l'interrompre. Elle manifeste à la fois un accord profond sur les grandes questions religieuses et politiques du temps et une opposition flagrante entre leurs caractères et plus encore entre leurs esthétiques. Les deux interlocuteurs y parlent en égaux ; et de fait, sous la plume de contemporains comme Christophe de Longueil, Cutbert Tunstall, Thomas Linacre, Luis Vivès, Érasme et Budé apparaissent comme « deux champions rivalisant dans l'arène des lettres ». Avec le recul de l'histoire, force est de reconnaître qu'Érasme, par la souplesse de son génie, ses exceptionnels dons médiatiques et sa mobilité de vie, avait acquis une dimension européenne, alors que Budé dans le même temps s'enracinait dans la réalité française. En 1519, Budé cherche à attirer l'attention du roi par l'offrande d'un manuscrit en français, recueil d'anecdotes et de sentences instructives tirées des Anciens et de la Bible, qui nous est parvenu, à travers des publications posthumes douteuses, sous le nom d'Institution du prince. La même année, à la veille de l'élection à l'Empire, il participe aux négociations de Montpellier. En 1520, il est à Ardres, au Camp du Drap d'or. Il y rencontre Thomas More avec lequel il avait inauguré en 1518 une correspondance qui rendait manifeste la profonde harmonie de leurs pensées et de leurs goûts. En 1522, les honneurs s'accumulent. Le roi confère à Budé presque simultanément les charges de maître des requêtes et de maître de la librairie, tandis qu'il est élu par ses concitoyens prévôt des marchands (c'est-à-dire maire) de Paris.
Si hautes et respectables que soient de telles fonctions, ce n'est pas certes à leur niveau que se tisse l'histoire. Mais Budé s'en trouvait honoré, parce qu'il y voyait les marques, dans une société où dominaient les valeurs de la naissance et de l'argent, d'une certaine reconnaissance du mérite personnel et de la science, et surtout parce qu'elles lui offraient autant de tribunes pour la défense de l'humanisme. Les dialogues qui composent en 1532 le De philologia mettent en scène un roi brillant, attentif, amusé, et Budé plaidant devant lui sur un ton d'aimable familiarité la cause de la Philologie. Il plaide pour que s'ouvre aux hommes d'étude les plus hautes fonctions de l'État ; pour que s'instaure un enseignement d'un type nouveau, et que s'abolisse le fâcheux morcellement des structures universitaires au profit d'une culture encyclopédique[...]
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Écrit par
- Marie-Madeleine de LA GARANDERIE-OSTERMAN : agrégée de l'Université, docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Nantes
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