Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DU BARTAS GUILLAUME DE SALLUSTE (1544-1590)

C'est au sein d'une famille de commerçants enrichis que naquit à Montfort (Gers), en 1544, Guillaume de Salluste du Bartas. En 1565, son père avait acheté à l'évêque de Lombez le château du Bartas. Après de bonnes humanités, Guillaume fit son droit à Toulouse où il fut reçu docteur (1567). À la mort de son père (1566), Du Bartas transforme et aménage le château, se marie — il épouse Catherine de Manas dont il aura quatre filles —, puis se lance véritablement dans la carrière littéraire : c'est en 1565 que Jeanne d'Albret lui proposa le sujet de son premier grand poème, « La Judith ». Alors que sa famille est de conviction catholique, il décide de se rallier à la foi protestante et d'embrasser le parti d'Henri de Navarre, futur Henri IV, qu'il sert à la cour de Nérac, et dont il sera successivement écuyer tranchant, gentilhomme servant, gentilhomme ordinaire et ambassadeur, notamment auprès de Jacques VI d'Écosse qui l'avait invité à sa cour (1587). Parallèlement, il fit fortune en achetant fermes, terres et charges (juge à Montfort ; juge et baron de Cologne, bourg proche de son château) et il y réussit aussi bien que dans sa carrière auprès du roi. Légende que sa mort sur le champ de bataille d'Ivry (14 mars 1590), légende encore reprise par Heinrich Mann (Henri IV, 1935-1938), puisque Du Bartas s'éteignit à Mauvoysin le 28 août 1590.

Mais la gloire de Du Bartas reste attachée à son œuvre littéraire : outre d'inévitables poèmes de circonstances célébrant Catherine de Médicis et la reine Margot (« Accueil de la reine de Navarre », 1578), ou glorifiant son maître (« Cantique sur la victoire d'Ivry », 1590) et la paix (« Hymne de la paix », 1582), il a cultivé avec bonheur une veine religieuse (La Muse chrestienne, 1584) , et s'est particulièrement illustré dans la poésie scientifique, encyclopédique et didascalique (La Première Sepmaine ou Création du monde, 1578 ; La Seconde Sepmaine, 1584). La Première Sepmaine, construite sur le modèle des hexamérons, évoque en sept jours, calqués sur l'ordre de la Genèse, la création du monde et de l'homme. C'est l'occasion pour le poète de multiplier, en plus de six mille vers, les références érudites, les métaphores audacieuses et baroques, ambitionnant d'offrir un poème-encyclopédie, qui serait la somme des connaissances de son époque. La réception de cette œuvre (rééditions nombreuses, traductions latines, traductions en langues vernaculaires, imitations et commentaires) fut prodigieuse, et Du Bartas, « nouvel Orphée », éclipsa en partie Ronsard, prince des poètes et auteur d'Hymnes (1555-1556) qui avaient influencé sa thématique et son inspiration philosophique. Ce phénomène littéraire autant que sociologique fut renforcé par le groupe des écrivains que stimula Du Bartas : Milès de Norry, J.-E. Du Monin, G. de Chevalier, J. du Chesne, Le Tasse, Vondel, Milton, ainsi que par les commentaires de P. Thévenin et surtout de Simon Goulart. Aux sept jours de La Première Sepmaine, vaste poème cosmologique, devait s'ajouter une fresque historique conduisant l'humanité d'Adam au Jugement dernier. Cette Seconde Sepmaine inachevée lui a permis, par le truchement de l'histoire biblique, de conduire une réflexion sur les événements contemporains, l'actualité et le devenir de la culture (translatio studii). Là encore, l'influence du « docte Gascon » fut décisive autant que durable, particulièrement en Angleterre, où le poète séjourna et où il fut souvent traduit, commenté et imité. Du Bartas, qui rappelait qu'« Encyclopédie en signe de victoire/Couronne ses mignons d'une éternelle gloire » (Seconde Sepmaine, Babylone, vers 249-250), a composé avec les Sepmaines une œuvre exemplaire de la production poético-scientifique[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Pau, agrégé, docteur d'État

Classification

Autres références

  • AUBIGNÉ THÉODORE AGRIPPA D' (1552-1630)

    • Écrit par
    • 1 836 mots

    Après la mort de Henri II, la poésie française s'enrichit d'accents nouveaux. On assiste au développement de la poésie sérieuse, avec Du Bartas (Le Triomphe de la foi, 1574, La Semaine ou Création du monde, 1578), et de la poésie politique et polémique. Les poètes interviennent...

  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.

    • Écrit par
    • 6 760 mots
    • 3 médias
    Un baroque « parti pris des choses », c’est ce que proclame en 1578 La Sepmaine de Guillaume de Salluste du Bartas (1544-1590), vaste poème de la Création du monde en sept chants ou plutôt en sept « jours », où le texte des premiers chapitres de la Genèse s’enrichit de toute la science cosmologique...
  • LA SEMAINE, Guillaume Du Bartas - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 683 mots

    La Semaine, ou Création du monde parut en 1578. Son auteur, Guillaume de Salluste du Bartas (1544-1590), était un lettré gascon, protestant du Béarn, sujet et compagnon du futur Henri IV. Un homme modeste que le succès de son poème, presque du jour au lendemain, rendit célèbre à travers l'Europe....