MACHAUT GUILLAUME DE (1300 env.-1377)
Un poète allégorique
L'œuvre de Machaut est intégralement restituée grâce à cinq manuscrits des xive et xve siècles, conservés à la Bibliothèque nationale.
D'autres manuscrits de la même époque comportent des pièces de Machaut, dispersées au milieu de compositions diverses, et permettent aux musicologues un travail critique rigoureux.
Il est difficile de séparer l'œuvre poétique de l'œuvre musical. Les grands dits et poèmes romancés comportent des interpolations musicales et toutes les petites poésies à forme fixe ( lais, virelais, rondeaux, ballades) sont inséparables de leur support musical.
On a beaucoup médit de Guillaume de Machaut poète. Si l'on recherche la beauté des vers, on ne la trouvera point ; mais à cette époque on ne recherchait point la beauté plastique pour elle-même. Machaut demandait au vers d'être maniable, fluide, léger, accordant toute son attention au rythme, souci naturel pour un musicien. Quant aux images poétiques, elles appartiennent au monde allégorique du Roman de la rose ; les symboles sont traditionnels, voire conventionnels, et il en sera ainsi jusqu'au xvie siècle dans la poésie française. Le mérite de Machaut réside davantage dans l'art de la composition, c'est-à-dire dans l'architecture de ses poèmes : chaque grand poème forme un tout harmonieusement ordonné, où les souvenirs personnels de l'auteur, les personnages réels s'insèrent dans le jeu des allégories ; celui-ci en acquiert plus de vie. Au reste le symbolisme médiéval est toujours vivace au xive siècle, et le passage d'un sens immédiat à un sens secondaire ou supérieur est naturel pour tout homme qui fait profession de penser. D'ailleurs ces préoccupations d'ordre ésotérique ne sont point absentes de la musique.
Dans le Prologue à son œuvre, rédigé probablement à la fin de sa vie (vers 1371 ?) et qui figure en tête de plusieurs manuscrits, Machaut se prétend aux ordres de Nature, qui lui a baillé pour l'aider trois de ses enfants : Sens, Rhétorique et Musique. Sens tiendra son esprit informé ; Rhétorique lui donnera l'art de construire et Musique lui fournira « chants divers et déduisants » (« partout où elle est, joie y porte »). Plus loin dans ce Prologue, le dieu Amour vient à Guillaume et lui présente à son tour ses enfants, « Doux penser », « Plaisance » et « Espérance », pour lui donner matière à faire ce que Nature lui a ordonné. La vocation du poète est ainsi définie, ainsi que les thèmes qu'il va traiter et les principes auxquels il doit obéir, la Musique occupant la place d'honneur.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
Classification
Autres références
-
MESSE NOTRE-DAME (G. de Machaut)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 251 mots
- 1 média
Musicien et poète, Guillaume de Machaut forge de nouvelles règles pour le lai, le virelai, la ballade et le rondeau. Il renouvelle l'expression musicale en retrouvant une spontanéité qu'un xive siècle sclérosé par l'importance de la technique avait oubliée. On a longtemps pensé que...
-
ARS NOVA
- Écrit par Roger BLANCHARD
- 6 358 mots
- 2 médias
...bénéfices et l'invita en Avignon. Son successeur Clément VI en fit son « chapelain et commensal » et Philippe le remercia par la dédicace d'un motet. Le plus illustre des musiciens du xive siècle, Guillaume de Machaut, fut également invité en Avignon. On sait le rôle éminent que joua la cité des papes... -
BALLADE, musique
- Écrit par Edith WEBER
- 948 mots
- 3 médias
La ballade (en italien ballata, de ballare : danser) est un genre littéraire et musical d'essence lyrique et de structure répétitive. Cette forme, monodique et polyphonique, est en usage de la fin du xiiie siècle jusqu'au xvie siècle. Elle est chantée et dansée par les troubadours,...
-
BASSE, musique
- Écrit par Henry BARRAUD
- 3 508 mots
- 1 média
Quand Guillaume de Machaut, dans le Credo de la Messe de Notre-Dame, fera un des premiers résonner ensemble les trois sons de l' accord parfait, les musiciens auront la révélation de la valeur en soi d'une agrégation harmonique. En soi, c'est-à-dire indépendante du jeu des parties et de leurs rencontres... -
CHAUCER GEOFFREY (1340 env.-env. 1400)
- Écrit par Paul BACQUET
- 1 288 mots
- 1 média
Si l'on s'accorde à reconnaître que l'influence de Machaut, de Jean de Meung, de Boccace fut considérable sur son inspiration, la division ci-dessus ne satisfait plus la critique contemporaine. Au début de sa carrière, Chaucer est certes un poète d'amour français écrivant en anglais ; mais il est surtout... - Afficher les 8 références