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GUILLAUME DE SAINT-AMOUR (1202-1272)

Né à Saint-Amour (dans l'actuel département du Jura), Guillaume Dumont fut écolier à Mâcon au chapitre cathédral, puis étudiant à Paris où il conquit lentement ses grades ès Artes et Decretum. Finalement maître en sacra pagina, il entre comme régent à la faculté de théologie vers 1250-1252. Il demeure sous-diacre, mais il reçoit les revenus d'une cure et de deux riches canonicats, à Beauvais et Mâcon. Juriste éloigné de toute mystique ou philosophie, il est indisposé par les ordres mendiants, par la nouveauté de leur statut et de leur piété. Ceux-ci, en effet, lui font perdre une bonne part de ses revenus paroissiaux : une nuée d'oblations, cens et droits, mais surtout la portion canonique sur les sépultures, que les fidèles dévots choisissent de plus en plus chez les nouveaux religieux. Guillaume veut principalement interdire aux Mendiants d'occuper des chaires universitaires, car les professeurs séculiers y perdent — la foule des étudiants allant à la nouvelle mode — à la fois leur influence et leurs copieuses rentrées financières. Pour limiter les nouveaux privilèges qu'on accorde ainsi aux religieux mendiants, il jette le discrédit sur leur nouveau genre de vie.

En 1252, il les attaque avec violence dans un document universitaire qui met gravement en cause la pureté de leur vie, leurs idées, leur religion même. Il obtient qu'on réduise le nombre de leurs chaires à une par ordre. Mais quand la décision est appliquée, il constate que les étudiants désertent tout autant l'enseignement des séculiers et il rêve d'une suppression pure et simple de celui des Mendiants. Guillaume impressionne alors plus par son vigoureux tempérament et par son obstination que par la puissance de ses argumentations.

Toute l'université au début le suit contre les frères ; mais sa furie, ses roueries, ses excès lassent ses partisans, et son intransigeance finit par les disperser. Innocent IV l'avait soutenu à demi en 1254 à Rome, où il était venu comme procureur de l'université de Paris. Alexandre IV, par contre, le démasque. Vaincu, Guillaume se durcit dans sa rébellion et résiste avec pugnacité durant deux ans, tentant d'entraîner les Ordres dans la condamnation de l'Évangile éternel. Excommunié pour désobéissance, il refuse au pape la réintégration des régents mendiants dans le consortium universitaire et provoque une série de troubles, de scandales et de persécutions qui vont jusqu'à la violence physique contre les couvents et qui lui aliènent le roi et les évêques, désireux de ramener le calme. On réussit à se débarrasser de lui en l'envoyant à Rome en octobre 1256, où son œuvre essentielle le De Periculis novissimorum temporum (oct. 1255-printemps 1256) est condamnée ; d'Anagni, le pape déploie contre lui toute son autorité dans la bulle Romanus Pontifex (5 oct.).

Retenu à la curie et comparaissant devant une commission de quatre cardinaux, Guillaume est absous du crime d'hérésie et relevé de son excommunication ; mais, pour fautes et insolences, il est privé de tout office et bénéfice et se voit interdire l'université, tant à Bologne qu'à Paris. Réfugié à Lyon, chassé de France, il se retire finalement dans son pays natal (1257) et se contente d'y gérer le reste de sa fortune. Plusieurs fois déçu dans son espoir de revenir à Paris, il écrit ses Collectiones... Scripture, où se délaie toute la matière du De Periculis. Ayant adressé cet ouvrage au pape français Clément IV, son ancien collègue, Guillaume reçoit une réponse brève, ambiguë et moqueuse dont la modération n'inverse nullement la politique papale favorable aux Mendiants novateurs. Il n'a pu réellement participer à la bataille d'idées, la plus belle et la plus grande du siècle, qui se déploya à Paris de 1269 à 1272 et dans laquelle souffla parfois son feu amer, bien que son[...]

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  • RUTEBEUF (1230?-? 1280)

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    • 2 015 mots
    ...polémique locale, à Troyes (1249). Il met ensuite son talent au service du clan universitaire de Paris qui résiste à l'implantation des ordres mendiants. Guillaume de Saint-Amour est la vedette de cette résistance, les franciscains représentent le parti ennemi. De 1255 à 1259, Rutebeuf compose notamment...