DUBOIS GUILLAUME cardinal (1656-1723)
Fils d'un apothicaire de Brive-la-Gaillarde, Guillaume Dubois fit d'excellentes études à Paris, comme boursier au collège Saint-Michel, rue de Bièvre. Pauvre, le jeune abbé donnait des leçons pour vivre. Il enseigna ainsi la géographie au jeune Choiseul, puis devint sous-précepteur du duc de Chartres qui deviendra Philippe d'Orléans, régent de France. Il réussit fort bien dans cette tâche et eut la totale responsabilité de l'éducation de son élève après la mort du précepteur en titre. Le duc d'Orléans parvenu au pouvoir lui donna plusieurs abbayes de son apanage. L'évêché de Cambrai, bénéfice considérable qui avait été à Fénelon, venant à vaquer, il devint archevêque et bientôt cardinal (1721). Secrétaire d'État aux Affaires étrangères en 1718, il obtint aussi les Postes, charge lucrative, et réussit à devancer tous ses adversaires : Noailles, Torcy, Villeroi, d'Aguesseau, pour porter le titre et la responsabilité de principal ministre (1722). L'avocat Barbier le peignait ainsi : « Cet homme-là est d'une politique infinie pour son ambition [...], il a soixante-huit ans, ne boit pas, ne voit aucune femme ni ne joue. » Saint-Simon fut plus méchant à son égard : « Tous les vices combattaient en lui [...], l'avarice, la débauche étant ses dieux, la perfidie, la flatterie, les servages ses moyens, l'impiété parfaite son repos [...], il avait de l'esprit, assez de lettres, d'histoire et de lecture. » Lorsqu'il entra au Conseil, le grand mémorialiste déclara « qu'il avait réussi à s'y insinuer comme ces plantes qui s'introduisent dans les murailles et qui enfin les renversent ». Ces portraits rendent assez bien compte des jugements des contemporains sur le ministre-cardinal, mais non de son action politique. Louis XIV vieillissant rêvait, avec Torcy et Villars, d'une alliance Paris-Vienne-Madrid pour faire échec à l'Angleterre dont la puissance ne cessait d'inquiéter. Mais Philippe V refusa de renoncer au trône de France, ce qui le brouilla avec le régent. Quant à l'Angleterre whig, elle se sentait menacée par Jacques III, le prétendant Stuart, et craignait la coalition franco-espagnole qu'elle fut bien aise de diviser, d'autant plus que le nouveau roi George Ier manquait du prestige nécessaire pour pouvoir engager une grande politique européenne. Dubois scella l'alliance franco-anglaise à La Haye, puis réussit à réconcilier le Grand Royaume avec l'Espagne. Médiateur dans la Baltique à la suite de la défaite suédoise de Charles XII par la nouvelle puissance russe, il pensa marier la fille du tsar au fils du régent dont il aurait voulu faire un roi de Pologne. À l'intérieur, la loi du royaume s'enrichit de la bulle Unigenitus, en 1720, et le parlement fut invité à l'enregistrer, ce qu'il fut contraint de faire après un bref exil. En 1723, Dubois fit rétablir le Conseil d'en haut où siégeaient le roi, le duc d'Orléans et son fils, le duc de Bourbon, Dubois, Villars et l'évêque Fleury, précepteur de Louis XV. Dubois entra à l'Académie française et présida l'Assemblée du clergé ; il mourut d'un abcès à la vessie (1723). Intelligent, travailleur infatigable, intrigant, on lui reprocha son insatiable ambition et son élévation rapide qui choquaient beaucoup une opinion qui croyait encore aux vertus de la naissance et d'une mobilité sociale lente. Certes, il eut la chance de devenir le précepteur de Philippe, mais il n'obtint ces fonctions que grâce à ses qualités intellectuelles. Il apparaît cependant comme un diplomate d'une habileté consommée et, malgré un arrivisme quasi maladif, on peut dire qu'il fut un homme d'État fort capable de résoudre les problèmes les plus épineux.
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Écrit par
- Jean-Marie CONSTANT : maître assistant à l'université de Paris-IV
Classification
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