Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DUFAY GUILLAUME (1400 env.-1474)

Les messes

On distingue les fragments de messe des « messes cycliques » formant un tout homogène.

Les fragments – on a conservé treize Kyrie, treize Gloria, quatre Credo, quatre Sanctus, trois Agnus Dei – se rattachent, du point du vue du style, aux modèles hérités du siècle précédent. Cependant, il serait hasardeux d'en conclure que la composition de ces fragments est antérieure à celle des grandes messes cycliques. La victoire de la grande forme ne se situe que vers le milieu du xve siècle, c'est-à-dire qu'elle correspond à la dernière période de la vie du musicien.

Dès sa jeunesse, Dufay avait écrit des messes cycliques. Ce fut d'abord la Missa sine nomine, à trois voix, que l'on peut dater des environs de 1420. L'œuvre est de facture ancienne et se situe dans la tradition avignonnaise – tradition probablement introduite en Italie par le Liégeois Jo Ciconia, qui avait séjourné à Avignon. Le Gloria et le Credo de cette messe, avec la déclamation rapide et régulière du texte dans la partie supérieure, soutenue par deux parties instrumentales de structure simple, avec certains passages « en hoquets », se rattachent à l'esthétique du xive siècle.

La Missa Sancti Jacobi, plus élaborée et plus originale, probablement écrite entre 1426 et 1428, combine le propre et l'ordinaire de la messe. C'est la seule messe de Dufay comportant neuf morceaux : Introït, Kyrie, Gloria, Alleluia, Credo, Offertoire, Sanctus, Agnus, Communion. Elle offre une grande diversité dans le traitement de la polyphonie : duos de solistes s'opposant à un chœur à trois voix ; versets en plain-chant grégorien s'insérant entre les versets polyphoniques ; tantôt cette polyphonie s'enrichit d'une quatrième voix, et la structure devient plus complexe (Offertoire, Sanctus, Agnus), tantôt toutes les parties sont pourvues d'un texte, tantôt seule la partie supérieure supporte les paroles liturgiques, et les parties graves restent purement instrumentales. Enfin, grande innovation, la Communion est traitée en faux-bourdon (mélodie principale à la partie supérieure, les autres voix évoluant en mouvements parallèles formant des accords de sixte) ; c'est la première fois que ce procédé apparaît dans une messe.

Le facteur d'unité de cette vaste composition est l'usage d'un cantus firmus emprunté à l'office de l'apôtre saint Jacques. En fait, il y a plusieurs cantus firmi, selon les parties de la messe, les uns empruntés à la Messe de saint Jacques, d'autres aux messes d'autres apôtres (d'où l'indication de apostolis).

La technique employée est la paraphrase plus ou moins libre de ces cantus firmi, le thème restant mieux préservé au ténor qu'au superius, soumis, comme dans la musique profane, aux caprices de l'imagination.

La Missa Sancti Antonii Viennensis, qu'Heinrich Besseler date des environs de 1435-1440, est entièrement à trois voix. Un examen attentif permet de noter l'évolution du style depuis la Missa sine nomine, évolution qui se manifeste par le passage de la forme cantilène (une voix prépondérante soutenue par des parties instrumentales) à une polyphonie plus libre et plus élaborée tendant à l'équilibre entre les diverses parties.

Avec les messes à quatre voix établies sur un cantus firmus, liturgique ou profane, apparaît une nouvelle structure que Dufay n'a sans doute pas inventée, mais qu'il a contribué à imposer.

Les cinq grandes messes authentifiées, et surtout les trois dernières d'entre elles, sont de véritables monuments de l'art polyphonique. La Missa Caput fut vraisemblablement composée aux alentours de 1440. Elle se réfère à un modèle anglais : d'une part, le cantus firmus est emprunté à l'antienne Venit ad Patrem du rite de Salisbury ; d'autre part, on pense que Dufay s'est[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Guillaume Dufay et Gilles Binchois - crédits : AKG-images

Guillaume Dufay et Gilles Binchois

Autres références

  • MESSE L'Homme armé (G. Dufay)

    • Écrit par
    • 239 mots
    • 1 média

    Avec sa célèbre Messe Notre-Dame (vers 1360), Guillaume de Machaut a créé la messe unitaire, dans laquelle les différentes pièces de l'ordinaire sont reliées par un élément commun. Guillaume Dufay, sans doute le plus illustre représentant de l'école franco-flamande, va, plus encore...

  • BINCHOIS GILLES DE BINCHE dit (1400 env.-1460)

    • Écrit par
    • 598 mots
    • 1 média

    Compositeur franco-flamand, le plus célèbre représentant de l'école bourguignonne ; ses chansons polyphoniques profanes, dont 55 sont connues, figurent parmi les plus belles du genre. Il écrivit aussi de nombreuses pages de musique religieuse. Il fut soldat, mais d'« honorable mondanité...

  • Messe «Ave Regina Caelorum», DUFAY (Guillaume)

    • Écrit par
    • 535 mots
    Rattaché à l'école franco-flamande du XVe siècle, Dufay reçoit une solide formation à Cambrai. En 1420, il est au service de la puissante famille des Malatesta, à Rimini, en Italie. Il appartient à la chapelle pontificale de 1428, où il est ordonné prêtre, à 1437 ; il suit le pape Eugène...