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DEL TORO GUILLERMO (1964- )

L’accueil critique très favorable dont a fait l’objet sur plusieurs continents La Forme de l’eau (The Shape of Water, 2017), suivi de l’adhésion de publics populaires aussi bien que cinéphiles, nous montre que le réalisateur Guillermo del Toro représente, avec ses amis et collègues Alfonso Cuarón et Alejandro González Iñárritu – affectueusement réunis sous le nom de Tequila Gang, une appellation que del Toro reprendra pour l’une de ses compagnies de production –, le renouveau du cinéma mexicain.

<em>Le Labyrinthe de Pan</em>, G. del Toro - crédits : Tequila Gang/WB/The Kobal Collection/ Aurimages

Le Labyrinthe de Pan, G. del Toro

Né à Guadalajara (Mexique) le 9 octobre 1964 au sein d’une famille aisée, élevé dans un catholicisme assez strict dont son imaginaire et ses œuvres portent l’empreinte, Guillermo del Toro a commencé à « bricoler » des films dès l’âge de 8 ans. Après des études de cinéma, il exerce différents petits métiers dans cette branche professionnelle, notamment pour ce qui intéresse le décor, le montage et surtout le maquillage, une profession qu’il pratiquera avec succès pendant dix ans, tout en réalisant à l’occasion un nombre important de courts-métrages.

Une poésie de l’horreur

Il se fait remarquer avec son premier long métrage d’horreur Cronos (1993), réalisé au Mexique. Parmi les acteurs du film, on note déjà la présence de Ron Perlman, à qui il restera fidèle (quatre films, une série télévisée et de nombreuses productions), et de Claudio Brook, qui tenait le rôle principal de Simon du désert(Simóndeldesierto, 1965), ce qui souligne la parenté d’inspiration qui lie del Toro à Luis Buñuel. Par ailleurs, la prédilection pour le fantastique et le merveilleux y est déjà en place, ainsi qu’un bestiaire très reconnaissable, terrifiant mais aussi charmeur, voire divertissant, et toujours poétique, qui se caractérise par une prédilection pour les variations sur les formes d’insectes ou de batraciens. Artiste complet, del Toro dessine lui-même ses créatures avant qu’elles ne soient réalisées par les spécialistes des effets spéciaux.

Cette réussite lui vaut de débuter aux États-Unis avec un film à gros budget, Mimic (1997), où les monstres sont déjà des insectes prédateurs. Bien que le réalisateur ait déploré les interventions intempestives de la production, son succès lui assure une place solide à Hollywood. Pourtant, Guillermo del Toro va choisir l’Espagne et un budget bien plus modeste pour son film suivant, L’Échine du diable (El espinazodeldiablo, 2001), qui porte définitivement sa marque personnelle : elle consiste à mêler un imaginaire fantastique débridé à un contexte historique précis et méticuleusement recréé. En effet, c’est en 1939, dans un oppressant orphelinat espagnol, que se déroule une histoire de fantômes plus romantique que réellement terrifiante : le décor devient une métaphore de la situation politique vécue par l’Espagne d’après la guerre civile. Le franquisme est également le cadre du Labyrinthe de Pan (El laberintodelfauno, 2006, également tourné en Espagne), où la dénonciation du fascisme se fait plus directe et plus virulente, notamment à travers un personnage de militaire sadique (Sergi López), tandis qu’un monstre aux couleurs merveilleuses offre à la jeune héroïne un réconfort paradoxal. Enfin, c’est l’Amérique de la guerre froide et du maccarthysme qui va servir de toile de fond à La Forme de l’eau : une femme de ménage muette (Sally Hawkins) y vit une passion impossible avec un humanoïde surgi des profondeurs de l’eau (Doug Jones), comme l’était le fantôme de L’Échine du diable. Si la mort est dans ces trois films au bout de l’aventure, elle survient comme une promesse d’éternité où l’on peut lire à la fois la trace du catholicisme dont le cinéaste a été nourri et celle de l’amour fou cher aux surréalistes, qu’il a pu découvrir à travers Buñuel. Ces trois films forment une manière de trilogie sans équivalent dans l’histoire du genre :[...]

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Écrit par

  • : historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue Positif

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Média

<em>Le Labyrinthe de Pan</em>, G. del Toro - crédits : Tequila Gang/WB/The Kobal Collection/ Aurimages

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