GUINÉE-BISSAU
Nom officiel | République de Guinée-Bissau |
Chef de l'État | Umaro Sissoco Embaló - depuis le 27 février 2020 |
Chef du gouvernement | Rui Duarte de Barros - depuis le 20 décembre 2023 |
Capitale | Bissau |
Langue officielle | Portugais |
Population |
2 153 339 habitants
(2023) |
Superficie |
36 130 km²
|
Article modifié le
Histoire
L’histoire ancienne du territoire actuel de la Guinée-Bissau est encore mal connue. Elle repose essentiellement sur des traditions orales difficiles à interpréter. Il est donc complexe de reconstituer l’histoire du peuplement du pays, même s’il semble que les sociétés sans État telles que celles des Floup et des Baïote au Nord, des Manjak, des Brame des Balante et des Papel au Centre, des Nalu des Baga, des Landuma au Sud, des Bijagós dans l’archipel du même nom, ont été progressivement repoussées sur les côtes par les Mandingues et les Peuls (ou Foula, ou Fulbe).
L’État mandingue du Gabu (xiiie-xixe siècles)
L’État mandingue du Gabu, situé à l’est du pays, naît de l’avancée, au xiiie siècle, des Malinké menés par Tiramagan Traoré, principal lieutenant de Soundiata (ou Sunjata) Keita, fondateur de l’empire du Mali. Les provinces occidentales de l’empire Malinké, à l’origine simples colonies de peuplement, entrent en contact avec les Portugais dès le xve siècle et nouent avec eux de solides relations commerciales. Elles deviennent peu à peu indépendantes, alors que l’empire du Mali se délite. Elles se structurent en États indépendants autour de Kansala, capitale fondée au xviie siècle.
Alors que l’empire du Mali agonise, l’État mandingue du Gabu s’épanouit et alimente en esclaves les négriers européens. Une aristocratie militaire fidèle aux cultes traditionnels s’appuie sur des commerçants islamisés, les Dioula, qui prennent de plus en plus d’importance dans l’État, tout comme les pasteurs peuls (Foula) qui s’installent progressivement sur le territoire vers la fin du xviiie siècle. L’État théocratique du Fouta-Djalon entre alors en rivalité avec le Gabu pour le contrôle du trafic d’esclaves et multiplie les incursions chez son voisin en s’appuyant sur les musulmans qui y vivent. Incapable de s’adapter au déclin de la traite négrière en Sénégambie à la fin du xviiie siècle, l’État du Gabu se décompose, entraînant la conversion à l’islam des pasteurs nomades peuls et des paysans mandingues. Une première révolte musulmane échoue en 1843, mais l’État mandingue s’effondre finalement en 1867 à la suite de la victoire militaire des Peuls.
La colonisation portugaise
La colonisation portugaise débute au milieu du xve siècle avec la création d’établissements côtiers chargés d’organiser la traite des esclaves et le commerce de l’or et de l’ivoire. L’État du Gabu, alors à son apogée, exerce une forte pression sur les peuples côtiers.
Les navigateurs portugais s’installent dans l’estuaire de la Casamance avant d’atteindre « les rivières du Sud ». Ils fondent des comptoirs à Ziguinchor (Casamance), à Cacheu et à Bissau, et traitent avec les chefferies locales auxquelles ils achètent des esclaves qui seront envoyés aux Amériques. Ils doivent cependant défendre leurs possessions contre les attaques des Britanniques, des Hollandais et des Français, qui convoitent la côte guinéenne. Aux xviie et xviiie siècles, la traite négrière est florissante et une puissante place fortifiée est construite à Bissau en 1775.
En 1836, les Français s’établissent dans l’estuaire de la Casamance et, en 1839, ils s’installent à Boké, en Guinée actuelle. Un accord sera finalement signé avec les Portugais le 12 mai 1886 : le Portugal renonce à la Casamance contre le soutien de la France dans sa conquête des territoires situés entre l’Angola et le Mozambique.
En 1858, les Anglais s’installent sur l’île de Bolama, qu’ils intègrent en 1860 dans la colonie de Sierra Leone, et revendiquent la souveraineté sur les Bijagós. Un arbitrage est rendu en 1868 par les États-Unis en faveur des Portugais. La province portugaise de Guinée est séparée du Cap-Vert dont elle constituait jusqu’alors un district et, en 1879, Bolama devient le siège du gouvernement portugais. Le Portugal se lance résolument dans la conquête des territoires. Les expéditions militaires se succèdent, mais il faut attendre 1936 pour que soit achevée la « pacification » de la colonie. Si les populations de la savane, Peuls ou Mandingues, sont soumises dès la fin du xixe siècle, les peuples côtiers opposent une farouche résistance aux Européens. De plus, Lisbonne accorde peu d’intérêt à une colonie qui semble sans avenir au regard du Mozambique et de l’Angola. En 1903, un « impôt par paillotte » est mis en place sur tout le territoire, mais l’essentiel des ressources budgétaires provient encore, en 1912, des taxes sur la vente d’alcool. À cette date, le territoire exporte essentiellement du caoutchouc, des noix de palme et des arachides.
L’administration portugaise, de type indirect, repose sur la séparation rigoureuse des colons et des indigènes, comme le stipule la loi organique de 1914 qui établit un régime juridique et politique spécial pour ces derniers. Les populations africaines sont soumises à des chefs, les regulos, parfois choisis au sein d’une autre ethnie, qui les exploitent et les oppriment. Elles sont astreintes au travail obligatoire jusqu’en 1970.
La lutte pour l’indépendance
Le mouvement nationaliste naît au lendemain de la Seconde Guerre mondiale autour d’un petit groupe d’étudiants marxistes, pour la plupart des fils de petits fonctionnaires cap-verdiens « assimilés » constituant l’élite locale de la colonie. Parmi eux se distingue Amilcar Cabral (1924-1973), un ancien élève de l’Institut supérieur d’agronomie de Lisbonne, qui, avec quelques compagnons, fonde en septembre 1956 le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) dont le secrétariat général s’installe à Conakry en 1960. Depuis l’Acte colonial du 11 juin 1951, la Guinée, dont la capitale avait été transférée à Bissau en 1942, est devenue une province d’outre-mer, partie intégrante de l’État portugais.
Le PAIGC mène une première série de sabotages en 1962, puis il engage la lutte armée l’année suivante. Il fonde sa stratégie sur la mobilisation des populations rurales : la sanglante répression de la grève des dockers du port de Bissau en août 1959, qui a fait une cinquantaine de morts, a en effet convaincu les révolutionnaires qu’ils ne pourraient pas s’imposer dans les villes. Le PAIGC prend ainsi progressivement le contrôle des campagnes à partir du pays balante, alors que les Portugais se réfugient dans les villes qu’ils transforment en camps retranchés. Les Forces armées révolutionnaires du peuple sont créées en 1964 et des milices villageoises d’autodéfense se mettent en place en 1965. L’armée portugaise, pourtant forte de 15 000 à 20 000 hommes, ne contrôle plus que la moitié du territoire en 1966, et moins du tiers en 1970. Toutefois, en 1974, la majorité des villes restent sous contrôle portugais, à l’image de la capitale Bissau qui compte alors entre 80 000 et 100 000 habitants.
Une guerre d’usure s’installe, aucun des deux camps n’étant en mesure de l’emporter. En 1972, une Assemblée nationale populaire est élue dans les zones contrôlées par le PAIGC, mais le 20 janvier 1973, Amilcar Cabral est assassiné à Conakry dans des circonstances troubles par un membre du PAIGC, probablement un agent de la police portugaise infiltré.
Le 24 septembre 1973, l’Assemblée nationale populaire proclame l’indépendance de la Guinée-Bissau, mais celle-ci n’est reconnue officiellement par le Portugal qu’à la faveur de la « révolution des œillets » qui met fin à la dictature du général Salazar en avril 1974. L’indépendance du pays est proclamée le 10 septembre 1974.
Le pays depuis l’indépendance : entre instabilité et coups d’État
À la suite de la déclaration d’indépendance en 1974, Luís Cabral, demi-frère d’Amilcar, devient le premier président de la Guinée-Bissau, qui est alors un pays exsangue dont moins de 1 % de la population sait lire et écrire. Les organisations nées de la lutte armée s’installent au pouvoir : le PAIGC devient un parti unique qui s’inspire des démocraties populaires d’Europe de l’Est. Le leadership exercé par les Cap-Verdiens est cependant de plus en plus difficilement accepté par les Bissau-Guinéens et la composante balante du parti.
Ainsi, le 14 novembre 1980, un coup d’État, accueilli avec enthousiasme par la population, porte au pouvoir João Bernardo Vieira, dit « Nino », alors Commissaire principal (Premier ministre) du pays. Il est une figure de la lutte de libération nationale, dont il dirigea les forces armées. En 1994, il est élu président de la République lors de la première élection multipartite. Sa gestion des affaires publiques est catastrophique, malgré la libéralisation économique mise en œuvre en 1983 et le programme d’ajustement structurel imposé par le FMI en 1986. La corruption est généralisée. En 1997, la Guinée-Bissau rejoint l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et « Nino » Vieira se rapproche du Sénégal pour asseoir son pouvoir. Il est renversé par des militaires insurgés en mai 1999, après onze mois d’une guerre civile qui plonge le pays dans le chaos.
La Guinée-Bissau connaît dès lors une instabilité politique permanente. Kumba Yala accède à la présidence de la République en janvier 2000, après que le PAIGC a perdu la majorité aux élections législatives de novembre 1999. Il est à son tour chassé du pouvoir par l’armée le 14 septembre 2003. Le général Verissimo Seabra Correia, nouvel homme fort du pays, est assassiné en octobre 2004 par un groupe de militaires rebelles. Le 24 juillet 2005, c’est João Bernardo Vieira, revenu au pays après un exil au Portugal, qui est élu président de la République face à Kumba Yala. Pendant trois ans, le pays bruisse de rumeurs de complot, avant que le président ne soit assassiné à son domicile par des militaires le 2 mars 2009, en représailles à la mort du chef d’état-major des armées, tué la veille par l’explosion d’une bombe dans son bureau. Ce dernier a pourtant probablement payé de sa vie son implication dans la lutte contre le trafic de drogue.
Au cours du dernier mandat de « Nino » Vieira, le trafic de cocaïne s’est massivement développé. À partir de 2006, d’énormes quantités de drogue sont régulièrement saisies. Le pays est en effet devenu un lieu de transit et de stockage de la cocaïne colombienne à destination du marché européen. Que risquent les trafiquants dans un pays dont le budget consacré aux forces de sécurité est inférieur à la valeur commerciale des plus grosses saisies effectuées ?
Le 28 septembre 2007, le secrétaire général des Nations unies dénonce l’implication du gouvernement et de l’armée dans le trafic de drogue. La cocaïne, qui arrive en Guinée-Bissau dans de petits avions spécialement équipés pour traverser l’Atlantique, est stockée, reconditionnée puis réexpédiée vers l’Europe par la mer ou à travers le Sahel. Les liens de l’armée avec les réseaux de trafiquants sont avérés. Ainsi, l’ancien chef d’état-major de la marine, le contre-amiral José Américo Bubo Na Tchuto, inscrit sur la liste noire du département d’État américain dès 2010, est arrêté dans les eaux internationales en avril 2013 dans le cadre d’une opération d’infiltration menée par l’agence antidrogue américaine (DEA).
Le 9 janvier 2012, la mort du président Malam Bacaï Sanha, au pouvoir depuis juillet 2009, entraîne l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle qui est interrompue, le 12 avril 2012, par un coup d’État militaire après le premier tour. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) décide de sanctions à l’encontre de la junte militaire et déploie une force ouest-africaine en Guinée-Bissau. Confrontée à de graves difficultés et totalement décrédibilisée, l’armée est contrainte d’organiser de nouvelles élections pour mettre fin à une véritable catastrophe socioéconomique. À l’issue des élections législatives du 13 avril 2014 qui donnent la majorité au PAIGC et de l’élection présidentielle du 18 mai 2014 qui voit la victoire de José Mário Vaz, un gouvernement civil légitime est formé. Cependant, les rivalités personnelles à la tête de l’État se poursuivent, comme en témoigne le limogeage, en août 2015, du Premier ministre par le président de la République.
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Écrit par
- Francis SIMONIS : maître de conférences d'histoire de l'Afrique, habilité à diriger des recherches, université d'Aix-Marseille
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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