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GUIRAUT DE BORNELH (1140 env.-1199)

Poète de langue d'oc dont l'activité littéraire s'étend de 1165 à 1199, Guiraut de Bornelh est salué par ses contemporains comme le « maître des troubadours ». « Il fut meilleur trouveur qu'aucun de ceux qui ont été avant lui et qui furent après lui », dit la Vida (œuvre célèbre concernant l'aventure des troubadours). Dante s'enthousiasme pour son œuvre et le qualifie de « poète de la rectitude » (De vulgari eloquentia, II, 2). Plus tard, toutefois, il lui préférera Arnaut Daniel qui, dit-il, « a surpassé tous les autres poètes, et il n'y a que les sots (gli stolti) qui croient que le Limousin [Guiraut] est plus grand que lui » (Purgatoire, XXVI, 119-120).

Guiraut est né à Excideuil en Limousin. C'est un homme de basse condition, mais sage, instruit et intelligent, selon son biographe. Avec Richard Cœur de Lion et le vicomte Aimar de Limoges, il prend part à la troisième Croisade. Il séjourne à la cour d'Alphonse VIII de Castille, à celles de Navarre et d'Aragon et à celles de nombreux autres princes occitans. Il « tensonne » (de tenso, tenson, genre poétique dialogué) avec le roi Alphonse d'Aragon, qui défend contre lui la thèse suivant laquelle un roi et les grands de ce monde sont capables d'aimer aussi courtoisement, en fin'amor, que les troubadours d'humble origine. Avec le grand seigneur troubadour Raimbaut d'Orange, il débat de poésie et de rhétorique. Ce n'est, d'ailleurs, un homme de cour que pendant la belle saison où, comme le dit la Vida, il va de cour en cour (anava per cortz) accompagné de ses deux chanteurs. Tout l'hiver, il tient école et étudie. Il ne se marie point : tout l'argent qu'il gagne dans ses tournées poétiques, il le rapporte et le donne à ses parents et à l'église de sa ville natale.

Guiraut est le modèle du troubadour classique de métier ; le modèle de l'intellectuel du temps qui vit dans le monde et non au couvent, et qui prend son rôle au sérieux. Il se complaît à de subtiles dissertations, suivant un ton fort digne et avec une particulière attention à la forme. Il a une très haute idée de son art. Sa poésie amoureuse est surtout intellectuelle. Son inspiration, le plus souvent morale, se meut dans les subtiles distinctions de la notion de l'amour-vertu. Son idéal est celui d'une vie austère marquée par le culte de la droiture. Il cultive également le trobar clus (poésie hermétique), le trobar ric (virtuosité poétique) et le trobar lèu (poésie simple et facile). Rien n'autorise à voir deux époques dans sa production : une époque où il se complaît dans la poésie obscure, une autre où il est converti à la poésie facile après son débat avec Raimbaut d'Orange, amateur des obscurités précieuses. Il s'agit de deux styles qu'il était capable d'employer simultanément. C'est l'attitude de l'intellectuel pur, pour qui le jeu de l'expression transcende l'expression même. Il aime la poésie claire pour sa légèreté et sa simplicité (peut-être aussi parce qu'elle lui attirait un plus large public) ; il privilégie, cependant, la poésie hermétique parce qu'elle donne au mot un sens plus pur, une valeur émotive supérieure. Par là, Guiraut de Bornelh est déjà un homme de notre temps.

— Charles CAMPROUX

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université Paul-Valéry, Montpellier

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