GUITARE
Éclipses et renouveaux
Dès 1720, la mode des instruments champêtres se répandit en France. « Voilà où nous mène la bergerie », disait un critique de l'époque, faisant allusion à la vie pastorale de Louis XV. Il ajoutait, dans les colonnes du Mercure de France de 1739 : « Les instruments à cordes pincées ne peuvent plus contenter un public habitué au bachique tapage de l'orchestre symphonique. » Dès lors, théorbes et guitares, de sonorité trop faible, tombèrent en défaveur. Le luth, lui, demeura prisé en Allemagne grâce principalement à Ernst Gottlieb Baron et Sylvius Leopold Weiss. En raison de ce relatif maintien du luth dans le monde de la musique, une cinquantaine de méthodes de guitare plus ou moins réussies furent publiées au xviiie siècle. L'instrument, pourtant, se transforme et évolue. Sa forme s'affine, sa taille se creuse, ses incurvations s'accentuent. Dès la seconde moitié du siècle, on lui adjoint une sixième double corde. Puis, peut-être pour éviter la critique que l'on adressait aux luthistes « qui passaient les trois quarts de leur temps à accorder leur instrument et le dernier quart à jouer faux », on simplifie le nombre des cordes de la guitare qui compte alors six cordes simples. Il semble que cette simplification doive être attribuée aux musiciens allemands.
La guitare suscite un regain d'intérêt vers 1770, avec Miguel Garcia, devenu plus tard le padre Basilio, moine cistercien, organiste de la chapelle de l'Escorial et maître de musique de la reine María Luisa, c'est-à-dire, avant tout, professeur de guitare. Il fut bientôt entouré de divers disciples, tels Federico Moretti et Dionisio Aguado. La guitare recommença à connaître les faveurs des musiciens et du public.
Paris devint, pendant tout le premier tiers du xixe siècle, le principal foyer de la guitare. Des virtuoses comme les Italiens Matteo Carcassi et Ferdinando Carulli s'y installèrent, ainsi que les Espagnols Dionisio Aguado et Fernando Sor. Ce dernier est incontestablement le plus grand guitariste du xixe siècle. Né en 1778 à Barcelone, il avait reçu une formation musicale complète. À côté du solfège, de l'harmonie, du contrepoint, il avait appris à jouer de l'orgue, du piano, du violoncelle et de la guitare. Contemporain de Franz Liszt et de Niccoló Paganini, Fernando Sor subit l'influence du « virtuosisme », qui fut la marque du xixe siècle. La technique de l'instrument en fut notablement transformée.
Pendant ce temps, un virtuose italien, Mauro Giuliani (1780-1840), s'était installé à Vienne ; il fut le rival direct de Fernando Sor. On doit à Giuliani les premiers concertos pour guitare et orchestre interprétés publiquement.
Vers 1840, la guitare tombe de nouveau en décadence en France et dans presque toute l'Europe. Éloignée du domaine musical et artistique, sa technique piétine dans la routine, on l'utilise comme passe-temps ; les Andalous la reprennent pour leur répertoire populaire exclusivement ; on lui reproche de n'être pas audible hors du silence parfait.
Malgré les améliorations morphologiques apportées à la guitare par les luthiers français et italiens (René-François de Lacote, Luigi Panormo), un Andalou s'aperçoit que la guitare ne satisfait plus les auditeurs en groupe. C'est un menuisier natif d'Almería, Antonio Torres Jurado, installé à Séville en pleine période des cafés cantantes où de nombreux guitaristes flamencos se produisent. Esprit révolutionnaire, ce constructeur invente alors la guitare archétype, lui donnant ses proportions définitives et une sonorité d'une puissance incontestablement supérieure. Il dégage de la construction des guitares certaines théories, toujours en vigueur, en prouvant que la pièce principale de la guitare est la table d'harmonie et que celle-ci doit être en sapin.
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Écrit par
- Robert Jean VIDAL : producteur délégué de Radio-France, fondateur du concours international de guitare, directeur artistique des Rencontres internationales de la guitare à Castres
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