GUO MORUO[KOUO MO-JO](1892-1978)
Une prose romantique et engagée
Ses œuvres en prose sont aussi marquées par un esprit romantique et une forte subjectivité. Il composa un certain nombre de sketches, tel Ganlan (1926, Une olive), traduisant ses dispositions d'esprit changeantes et ses états mélancoliques, dans la manière des pièces écrites par Yu Dafu et de nombreux auteurs japonais modernes. Assez curieuses sont ses tentatives de donner une construction romantique même à des sketches tout à fait autobiographiques et réalistes, comme par exemple Mademoiselle Caramel, dans le recueil Ta (1925, Pagode) ou Luoye (1928, Feuilles mortes), et d'autres encore. Le noyau de Feuilles mortes est formé de quarante et une lettres écrites par une jeune fille japonaise à son fiancé, étudiant en médecine chinois. Il est possible que les lettres soient authentiques : ce seraient celles de la femme japonaise de Guo Muoro. Mais il y a ajouté l'histoire très romantique de la maladie et la mort du jeune homme et de la disparition de la jeune femme.
Le deuxième trait caractéristique de la prose de l'écrivain est son intérêt pour l'histoire. Ces deux aspects prévalent tour à tour. Le goût de Guo Moruo pour l'histoire est à l'origine d'un certain nombre de nouvelles dont les héros sont des personnages historiques illustres. Elles apparaissent en fait comme de simples transpositions de la tradition historique ou légendaire. L'auteur se contente d'enrichir le noyau de l'histoire en lui ajoutant quelques détails. Les récits sont extrêmement concis, composés habituellement d'un seul dialogue ou d'un monologue qui fait ressortir l'action ou la personnalité du héros. Les dialogues sont en général fondés sur des sources historiques authentiques, ils apportent la preuve des brillantes recherches de l'auteur dans les domaines de l'histoire et de la philosophie chinoises. Il y exprime ses opinions, mais jamais au détriment de la vérité historique. Guo Moruo a été capable de tirer de sa vie et de ses expériences personnelles une sorte de matériau historique : il a écrit huit volumes autobiographiques, y compris des sketches, suivant ainsi les traces des anciens auteurs chinois, avec leurs « notes personnelles » et leurs « souvenirs » ; les sketches ont un style beaucoup plus narratif et épique ; ils n'ont rien des notes concises des anciens.
Guo Moruo reste fidèle à lui-même dans ses productions dramatiques. Les héros sont toujours des figures célèbres comme le poète Qu Yuan, pièce écrite en 1942, publiée en 1944, la poétesse Cai Wenji, 1959, ou l'impératrice Wu Zetian, 1962... Le point de départ est là aussi une situation historique, et l'écrivain utilise autant que possible des matériaux authentiques – c'est-à-dire les poèmes de ses héros – mais il tente d'interpréter l'histoire à la lumière des idées politiques contemporaines. Le penchant romantique de l'auteur apparaît dans le caractère fortement subjectif des personnages principaux, ainsi que dans sa prédilection pour un monologue sublime et passionné amenant souvent le héros à une communion avec les forces de la nature. En revanche, l'auteur n'est guère intéressé par la construction réaliste des personnages ; ils n'existent que pour transmettre un message ; ce ne sont pas des personnalités vivantes.
Dans le domaine de l'épigraphie chinoise ancienne les travaux de Guo Moruo ont une valeur durable. Il édita aussi un certain nombre de textes anciens et écrivit à profusion sur la littérature chinoise ancienne, la philosophie, l'histoire sociale et économique, etc.
Ses contributions en ce domaine se sont poursuivies jusque dans les dernières années de sa vie, qu'il leur consacra presque entièrement à l'exception de quelques poèmes passionnés et de son plaidoyer enthousiaste de 1978,[...]
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Écrit par
- Michelle LOI : ancienne élève de l'École normale supérieure de jeunes filles, agrégée de l'Université (lettres), docteur d'État, professeur honoraire à l'université de Paris-VIII, département de littérature générale, domaine chinois
- Jaroslav PRUSEK : membre honoraire de l'Académie des sciences de Tchécoslovaquie
Classification
Autres références
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CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature
- Écrit par Paul DEMIÉVILLE , Jean-Pierre DIÉNY , Yves HERVOUET , François JULLIEN , Angel PINO et Isabelle RABUT
- 47 508 mots
- 3 médias
...Shanghai la Ligue des écrivains chinois de gauche. Les principaux protagonistes de Création furent Yu Dafu (1896-1945), auteur souvent morbide, et surtout Guo Moruo (1892-1978), une des plus grandes figures de la littérature chinoise contemporaine. Poète, romancier, dramaturge, auteur d'une vaste ... -
YU DAFU [YU TA-FOU] (1896-1945)
- Écrit par Michelle LOI
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Né dans le Zhejiang, Yu Dafu appartient à une famille de propriétaires terriens d'aisance moyenne. Après des études secondaires à Hangzhou et dans une école de la mission américaine, il passe à l'université impériale de Tōkyō où il se spécialise à la fois en économie politique et en lettres allemandes,...